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Appréciation de la condition d’urgence dans le cadre d’un référé suspension contre une mesure de résiliation d’un contrat administratif

08 janvier 2018

Par une décision en date du 18 décembre 2017, le Conseil d’Etat fait application des conditions du référé-suspension à une mesure de résiliation d’un contrat.

Les faits, objet du litige, concernait la décision de résiliation, prononcée par le maire d’Anthy-sur-Léman le 23 février 2017, du marché de maîtrise d’œuvre de l’opération de construction d’un groupe scolaire. Les sociétés titulaires ont formé un recours « Béziers II » tendant à la suspension de la décision de résiliation et à la reprise des relations contractuelles.

Le Conseil d’Etat a considéré qu’ « il incombe au juge des référés saisi, sur le fondement de l’article L. 521-1 du code de justice administrative, de conclusions tendant à la suspension d’une mesure de résiliation, après avoir vérifié que l’exécution du contrat n’est pas devenue sans objet, de prendre en compte, pour apprécier la condition d’urgence, d’une part, les atteintes graves et immédiates que la résiliation litigieuse est susceptible de porter à un intérêt public ou aux intérêts du requérant, notamment à la situation financière de ce dernier ou à l’exercice même de son activité, d’autre part, l’intérêt général ou l’intérêt de tiers, notamment du titulaire d’un nouveau contrat dont la conclusion aurait été rendue nécessaire par la résiliation litigieuse, qui peut s’attacher à l’exécution immédiate de la mesure de résiliation ».

En l’espèce, constate le Conseil d’État, « le juge des référés a estimé que la condition d’urgence était remplie, par principe, au motif que la résiliation du marché n’était pas justifiée par des manquements des cocontractants de l’administration à leurs obligations », ainsi « en se fondant sur ce critère, alors qu’une telle circonstance est sans incidence sur l’appréciation de l’urgence et qu’en tout état de cause, l’urgence attachée à la reprise des relations contractuelles ne saurait se présumer, le juge des référés a entaché son ordonnance d’erreur de droit ; que, par suite, et sans qu’il soit besoin d’examiner les autres moyens du pourvoi, il convient d’annuler l’ordonnance attaquée ».

Par cette décision, le Conseil d’Etat précise que la suspension d’une mesure de résiliation ne fait pas partie des décisions pour lesquels l’urgence est présumée comme c’est le cas par exemple lorsqu’une collectivité publique a signé un marché malgré l’injonction du juge du référé administratif précontractuel d’en suspendre la signature et que le candidat évincé introduit un référé tendant à la suspension de l’exécution du marché (CE 6 mars 2009, Société Biomérieux, req. n° 324064, publié au Recueil).

Pour le reste, le Conseil d’État ne fait que réaffirmer les principes posés dans l’arrêt « Béziers II » (CE Sect. 21 mars 2011, Commune de Béziers, req. n° 304806, publié au Recueil). D’abord, il confirme que la condition d’urgence est remplie, alors même que la décision contestée n’aurait un objet ou des répercussions que purement financiers (CE Sect., 19 janvier 2001, Confédération nationale des radios libres, req. n° 228815, publié au Recueil ; CE Sect., 25 avril 2001, Ministre de l’Économie c/ SARL Janfin, req. n°230166, publié au Recueil) ou porterait atteinte à l’activité économique d’une entreprise (CE 19 sept. 2003, Société Cora Belgique, n° 260199, mentionné aux Tables). Ensuite il confirme que l’urgence fait l’objet d’une appréciation globale laquelle, concernant une mesure de résiliation d’un contrat, prend en compte non seulement l’intérêt général mais également les intérêts du tiers, titulaire du nouveau contrat.

Partant le Conseil d’Etat juge que la seule circonstance que la résiliation du marché n’était pas justifiée par des manquements des cocontractants de l’administration à leurs obligations n’est pas susceptible d’avoir une incidence sur l’appréciation de l’urgence.

CE, 18 décembre 2017, Commune d’Anthy-sur-Léman, req. n°412066

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