Recevabilité et objet du recours direct en interprétation
Par un arrêt de Section du 6 décembre 2019, le Conseil d’Etat a durci les conditions de recevabilité du recours direct en interprétation devant le juge administratif.
Pour rappel, le recours en interprétation, mentionnés aux articles R. 311-1 et R. 312-4 du code de justice administrative, existe selon deux modalités : il peut soit être introduit sur renvoi de l’autorité judiciaire, soit être exercé directement par une partie à un litige.
Traditionnellement, la recevabilité du recours direct est subordonnée à l’existence d’un litige né et actuel (voir, par exemple, CE, 9 juillet 2010, Mme Lembezat, req. n° 313989) et à une difficulté d’interprétation d’un acte administratif potentiellement obscur ou ambigu, ce qui implique qu’une juridiction ne doit pas déjà en avoir précisé la portée (CE, 14 février 2018, Association Anti-G, req. n° 416294). Par ailleurs, le Conseil d’Etat acceptait qu’un recours en interprétation d’un acte soit concomitant à un recours en annulation impliquant pour le juge de s’interroger sur la portée dudit acte (CE Sect., 23 juin 1967, Sieur X, req. n° 54984).
Dans l’arrêt commenté, le Conseil d’Etat confirme et resserre les règles de recevabilité liées au recours direct en interprétation tout en mettant fin, de fait, à la possibilité d’exercer un tel recours parallèlement à un recours direct en annulation.
En effet, le juge rappelle tout d’abord que la recevabilité d’un recours direct en interprétation d’un acte administratif est liée à l’existence d’un différend né et actuel susceptible de relever de la compétence du juge administratif, et dont la résolution est subordonnée à l’interprétation demandée. Cependant, la condition tenant à l’existence d’un différend n’est pas satisfaite s’il s’agit d’un litige porté devant une juridiction de l’ordre administratif dans la mesure il revient à cette dernière de procéder elle-même à l’interprétation des actes administratifs dont dépend la solution du litige qui lui est soumis. De la même manière, une saisine d’une juridiction administrative postérieure à l’introduction du recours en interprétation fera perdre son objet à ce dernier, si bien qu’il n’y aurait plus lieu à statuer.
En l’espèce, seule une action était engagée sur le fondement de l’article L. 145-1 du code de la sécurité sociale devant la section des assurances sociales de la chambre disciplinaire de première instance de Franche-Comté de l’ordre des chirurgiens-dentistes. S’était alors posée la question de l’interprétation de l’arrêté du 14 juin 2006 portant approbation de la convention nationale des chirurgiens-dentistes destinée à régir leurs rapports avec les caisses d’assurance maladie, ainsi que d’un rapport d’évaluation technologique de la Haute Autorité de Santé.
Dès lors, dans la mesure où la juridiction saisie relève de l’ordre administratif et où le requérant ne se prévalait d’aucun différend porté devant l’ordre judiciaire, son recours est jugé irrecevable.