La constitution d’une réserve foncière par une commune permet de caractériser les circonstances particulières requises pour la conclusion d’une convention d’occupation précaire pour les locaux situés au sein d’une ZAC
Une commune a acquis un local commercial au sein d’une Zone d’Aménagement Concerté (ZAC) et au titre de la constitution de sa réserve foncière. Elle a par la suite conclu une convention d’occupation précaire avec une personne physique pour une première durée de vingt-trois mois. Le locataire ayant constitué une société, deux conventions d’occupation précaire de vingt-trois mois ont alors été conclues successivement entre la commune et ladite société. La locataire a fait l’objet d’une procédure de redressement judiciaire puis d’un plan de redressement avec désignation d’un commissaire à l’exécution du plan. Expulsée des locaux par ordonnance en date du 25 juillet 2013, la société a décidé en accord avec le commissaire à l’exécution du plan d’assigner la commune afin de faire reconnaître l’existence d’un bail commercial.
À cet égard, rappelons que l’article L. 145-5 du Code de commerce dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2014-626 du 18 juin 2014 dite « loi Pinel », disposait que « Les parties peuvent, lors de l’entrée dans les lieux du preneur, déroger aux dispositions du présent chapitre à la condition que la durée totale du bail ou des baux successifs ne soit pas supérieure à deux ans. / Si, à l’expiration de cette durée, le preneur reste et est laissé en possession, il s’opère un nouveau bail dont l’effet est réglé par les dispositions du présent chapitre. / Il en est de même, à l’expiration de cette durée, en cas de renouvellement exprès du bail ou de conclusion, entre les mêmes parties, d’un nouveau bail pour le même local ».
L’article L. 145-5-1 créé par la loi Pinel est quant à lui venu consacrer la jurisprudence en disposant que « n’est pas soumise au chapitre [sur les baux commerciaux] la convention d’occupation précaire qui se caractérise, quelle que soit sa durée, par le fait que l’occupation des lieux n’est autorisée qu’à raison de circonstances particulières indépendantes de la seule volonté des parties ».
La société locataire et le commissaire à l’exécution du plan, déboutés de leurs demandes en cause d’appel, ont formé un pourvoi en cassation en faisant valoir que la convention d’occupation précaire se caractérise, d’une part, « quelle que soit sa durée, par le fait que l’occupation n’est autorisée qu’à raison de circonstances exceptionnelles et pour une durée dont le terme est marqué par d’autres causes que la seule volonté des parties » et d’autre part, « par l’existence, au moment de la signature de la convention, de circonstances particulières indépendantes de la seule volonté des parties justifiant le recours à une telle convention ».
Ils estimaient, en l’espèce, que la convention ne comportait aucun motif de précarité, qu’elle était affectée d’un terme certain qui n’apparaissait de fait pas lié à un évènement correspondant au motif de précarité invoqué par la commune, et qu’aucune circonstance particulière existant au moment de la signature ne justifiait le recours à cette convention, qui aurait donc dû être requalifiée en bail commercial.
Par son arrêt en date du 26 mars 2020, la Cour de cassation confirme l’arrêt rendu par la Cour d’appel et rejette le pourvoi formé par les requérants. Elle rappelle ainsi que « les dispositions de l’article L. 221-2 du code de l’urbanisme autorisent la collectivité territoriale qui s’est rendue acquéreur d’un immeuble en vue de la constitution d’une réserve foncière et de son utilisation définitive à ne consentir que des concessions temporaires sur cet immeuble ». De plus, le local étant situé dans le périmètre d’une ZAC ayant fait l’objet d’une déclaration d’utilité publique, la durée de l’occupation ne résultait pas de la seule volonté des parties mais bien, pour des motifs d’intérêt général, de la nécessité de constitution d’une réserve foncière.
Il en ressort donc que la constitution d’une réserve foncière par une commune suffit à caractériser les circonstances particulières requises pour la conclusion d’une convention d’occupation précaire.