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La libre administration des collectivités territoriales : une liberté encadrée

31 octobre 2016

Saisi par l’assemblée des Départements de France d’une question prioritaire de constitutionnalité, le Conseil Constitutionnel a validé les dispositions du premier alinéa de l’article L. 3211-1 du Code général des collectivités territoriales (CGCT) issues de la loi n°2015-991 du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République (dite loi NOTRe), aux termes desquelles « Le conseil départemental règle par ses délibérations les affaires du département dans les domaines de compétences que la loi lui attribue. ».

Si ces dispositions ont pour principal effet la suppression de la clause de compétence générale des conseils départementaux, c’est plus précisément l’absence de dispositif leur « permettant d’intervenir dans les domaines pour lesquels aucune autre personne publique ne dispose d’une compétence attribuée par la loi » que les représentants des départements critiquaient, l’estimant contraire au principe de libre administration des collectivités territoriales.

Cette contestation intervenait dans le cadre d’une jurisprudence relativement floue du Conseil constitutionnel sur ces questions. En effet, dans une première décision, ce dernier avait d’abord confirmé la possibilité pour les conseils départementaux et régionaux de se saisir de « tout objet d’intérêt départemental ou régional pour lequel la loi n’a donné compétence à aucune autre personne publique » (Cons. const., 9 déc. 2010, n° 2010-618 DC). Puis, dans une seconde décision, le Conseil avait considéré que la suppression de « la clause dite de compétence générale des départements et des régions » ne méconnaissait pas le principe de libre administration des collectivités territoriales (Cons. const., 9 déc. 2010, n° 2010-618 DC). Or, la capacité d’intervenir dans des domaines que le législateur n’a attribués à aucune autre personne publique révélant l’existence d’une clause de compétence générale des collectivités territoriales, les décisions semblaient contradictoires.

Par sa décision du 16 septembre 2016, le Conseil constitutionnel met fin à cette équivoque par un raisonnement en trois étapes. D’abord, le Conseil constitutionnel rappelle que si le principe de libre administration a valeur constitutionnelle, une interprétation croisée des articles 34 et 72 de la Constitution permet de conclure que les conseils élus des collectivités territoriales disposent d’attributions qui leur sont octroyées par la loi et qui peuvent, par conséquent, être limitativement énumérées. Ensuite, il en déduit que ce principe n’implique pas une possibilité pour les collectivités d’intervenir dans des domaines que la loi n’attribue à aucune autre personne publique. Enfin, il estime, au regard des différentes compétences dévolues aux départements par la loi (compétences « exclusives », « partagées », ou encore « susceptibles d’être déléguées par d’autres collectivités territoriales »), que l’obligation constitutionnelle de conférer des attributions effectives aux collectivités territoriales n’est pas méconnue en l’espèce.

Au total, le Conseil constitutionnel conclut que le principe de libre administration n’a jamais impliqué pour les collectivités territoriales une compétence pour se saisir de domaines non dévolus par la loi à d’autres personnes publiques et, qu’ainsi, les nouvelles dispositions de l’article L. 3211-1 du CGCT sont conformes à la Constitution : « Les mots « dans les domaines de compétences que la loi lui attribue » figurant au premier alinéa de l’article L. 3211-1 du code général des collectivités territoriales, dans sa rédaction résultant de la loi du 7 août 2015, qui ne méconnaissent aucun autre droit ou liberté que la Constitution garantit, doivent être déclarés conformes à la Constitution. ». L’administration des collectivités territoriales est ainsi libre, dans les limites de l’encadrement législatif, la portée du principe de libre administration s’en trouvant de facto réduite.

Références

Conseil constitutionnel, 16 septembre 2016, n° 2016-565

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