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La médiation et l’action de groupe, les nouvelles procédures du code de justice administrative

01 décembre 2016

À la suite de l’entrée en vigueur de la loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXIème siècle (publiée au Journal Officiel le 19 novembre 2016 et validée par le Conseil constitutionnel), le Code de justice administrative (CJA) permet désormais de recourir à deux nouvelles procédures. Il s’agit, d’une part, de la médiation qui vient remplacer la procédure de conciliation de l’article L. 211-4 du CJA laquelle a été abrogée et, d’autre part, de l’action de groupe.

I.- La médiation

Définie par l’article L. 213-1 du CJA, la médiation « s’entend de tout processus structuré, quelle qu’en soit la dénomination, par lequel deux ou plusieurs parties tentent de parvenir à un accord en vue de la résolution amiable de leurs différends, avec l’aide d’un tiers, le médiateur, choisi par elles ou désigné, avec leur accord, par la juridiction ».

S’agissant des règles de fond encadrant cette nouvelle procédure, l’article L. 213-2 précise dans son premier alinéa que « le médiateur accomplit sa mission avec impartialité, compétence et diligence » et dispose dans son deuxième alinéa que « Sauf accord contraire des parties, la médiation est soumise au principe de confidentialité. Les constatations du médiateur et les déclarations recueillies au cours de la médiation ne peuvent être divulguées aux tiers ni invoquées ou produites dans le cadre d’une instance juridictionnelle ou arbitrale sans l’accord des parties ».

Toutefois, le texte précise qu’il est fait exception à cette confidentialité soit « en présence de raisons impérieuses d’ordre public ou de motifs liés à la protection de l’intérêt supérieur de l’enfant ou à l’intégrité physique ou psychologique d’une personne » soit « lorsque la révélation de l’existence ou la divulgation du contenu de l’accord issu de la médiation est nécessaire pour sa mise en œuvre ».

Par ailleurs, notons que « l’accord auquel parviennent les parties ne peut porter atteinte à des droits dont elles n’ont pas la libre disposition » (art. L. 213-3) et que lorsque la juridiction est « saisie de conclusions en ce sens » elle peut dans le cas où la médiation a été organisée en application du CJA, « homologuer et donner force exécutoire à l’accord issu de la médiation » (art. L. 213-4).

Ces éléments rappelés, notons que la médiation peut intervenir devant le Tribunal administratif ou la Cour administrative d’appel mais également que « lorsque le Conseil d’État est saisi d’un litige en premier et dernier ressort, il peut, après avoir obtenu l’accord des parties, ordonner une médiation pour tenter de parvenir à un accord entre celles-ci » (art. L. 114-1).

Précision utile, la médiation peut être engagée à l’initiative des parties (art. L. 213-5 et L. 213-6) ainsi qu’à l’initiative du juge (art. L. 213-7 à L. 213-10).

D’une part, lorsqu’elle intervient à l’initiative des parties, le CJA dispose que la médiation peut constituer un préalable obligatoire à un recours contentieux (art. L. 213-5 alinéa 6) mais qu’elle peut également intervenir en dehors de toute procédure juridictionnelle. En pareille hypothèse, les parties ont alors le choix entre désigner elle-même la ou les personnes qui en sont chargées ou « demander au président du tribunal administratif ou de la cour administrative d’appel territorialement compétent d’organiser une mission de médiation et de désigner la ou les personnes qui en sont chargées, ou lui demander de désigner la ou les personnes qui sont chargées d’une mission de médiation qu’elles ont elles-mêmes organisée » (art. L. 213-5 du CJA). À cet égard, l’article L. 213-6 précise que « les délais de recours contentieux sont interrompus et les prescriptions sont suspendues à compter du jour où, après la survenance d’un différend, les parties conviennent de recourir à la médiation ou, à défaut d’écrit, à compter du jour de la première réunion de médiation » et que ces délais « recommencent à courir à compter de la date à laquelle soit l’une des parties ou les deux, soit le médiateur déclarent que la médiation est terminée » et surtout que « les délais de prescription recommencent à courir pour une durée qui ne peut être inférieure à six mois ».

D’autre part, si la médiation peut intervenir aussi à l’initiative du juge, il ne s’agit là que d’une faculté pour le juge lequel ne peut d’ailleurs la mettre en œuvre qu’à condition d’obtenir l’accord des parties afin de « tenter de parvenir à un accord entre celles-ci » (article L. 213-7). Et, notons que c’est au médiateur qu’il appartient d’informer « le juge de ce que les parties sont ou non parvenues à un accord » (art. L. 213-9).

Enfin, qu’elle soit à l’initiative des parties ou celle du juge, la médiation peut être confiée soit au « président de la juridiction ou son délégataire » soit à « une personne extérieure à la juridiction » (art. L. 213-8) mais, dans ce cas, la juridiction doit déterminer s’il y a lieu d’en prévoir la rémunération et doit fixer le montant de celle-ci (art. L. 213-5 et L. 213-8).

II.- L’action de groupe

Apport majeur de la loi de modernisation de la justice du XXIème siècle, l’action de groupe, qui existait devant le juge judiciaire, peut désormais être engagée devant le juge administratif.

Tout d’abord, s’agissant de son champ d’application, l’action de groupe est prévue dans cinq situations. En effet, l’article L. 77-10-1 du CJA dispose que « Sous réserve des dispositions particulières prévues pour chacune de ces actions, le présent chapitre est applicable aux actions suivantes engagées devant le juge administratif : 1° L’action ouverte sur le fondement de la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d’adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations ; 2° L’action ouverte sur le fondement du chapitre XI du présent titre ; 3° L’action ouverte sur le fondement de l’article L. 142-3-1 du code de l’environnement ; 4° L’action ouverte sur le fondement du chapitre III du titre IV du livre Ier de la première partie du code de la santé publique ; 5° L’action ouverte sur le fondement de l’article 43 ter de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés ». Et, précisons que cette action est réservée à certaines associations en vertu de l’article L. 77-10-4 qui dispose que « seules les associations agréées et les associations régulièrement déclarées depuis cinq ans au moins et dont l’objet statutaire comporte la défense d’intérêts auxquels il a été porté atteinte peuvent exercer l’action mentionnée à l’article L. 77-10-3 ».

Ensuite, s’agissant de l’objet de cette procédure, celui-ci est défini par l’article L. 77-10-3 lequel dispose que « Lorsque plusieurs personnes, placées dans une situation similaire, subissent un dommage causé par une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d’un service public, ayant pour cause commune un manquement de même nature à ses obligations légales ou contractuelles, une action de groupe peut être exercée en justice au vu des cas individuels présentés par le demandeur ».

Cette action peut donc être exercée en vue soit de faire cesser le manquement à l’origine du dommage, soit d’engager la responsabilité de la personne ayant causé le dommage afin d’obtenir la réparation des préjudices subis. Elle peut aussi tendre à ces deux fins (art. L. 77-10-3).

Notons toutefois qu’il est fait obligation au requérant, préalablement à l’introduction de l’action de groupe, de mettre en demeure la personne à l’encontre de laquelle elle envisage d’agir « de cesser ou de faire cesser le manquement ou de réparer les préjudices subis » (art. L. 77-10-4). Précision de taille, l’action de groupe ne peut être introduite « qu’à l’expiration d’un délai de quatre mois à compter de la réception de cette mise en demeure » afin que la personne mise en demeure puisse prendre les mesures pour cesser ou faire cesser le manquement ou pour réparer les préjudices subis et ce à peine « d’irrecevabilité que le juge peut soulever d’office » (art. L. 77-10-5).

Ainsi, lorsque l’action tend à la cessation d’un manquement, le code prévoit seulement que « le juge, s’il constate l’existence de ce manquement, enjoint au défendeur de cesser ou de faire cesser ledit manquement et de prendre, dans un délai qu’il fixe, toutes les mesures utiles à cette fin. Il peut également prononcer une astreinte » (art. L. 77-10-6) tandis que lorsqu’elle tend à la réparation des préjudices, le code précise que le juge statue sur la responsabilité du défendeur et doit :

  • définir « le groupe de personnes à l’égard desquelles la responsabilité du défendeur est engagée en fixant les critères de rattachement au groupe et détermine les préjudices susceptibles d’être réparés pour chacune des catégories de personnes constituant le groupe qu’il a défini » ;
  • et fixer « le délai dans lequel les personnes répondant aux critères de rattachement et souhaitant se prévaloir du jugement sur la responsabilité peuvent adhérer au groupe en vue d’obtenir réparation de leur préjudice» (art. L. 77-10-7).

De plus, lorsqu’il reconnaît « la responsabilité du défendeur », le juge doit ordonner, à la charge de ce dernier, « les mesures de publicité adaptées pour informer de cette décision les personnes susceptibles d’avoir subi un dommage causé par le fait générateur constaté » (art. L. 77-10-8). Toutefois, « ces mesures ne peuvent être mises en œuvre qu’une fois que le jugement mentionné à l’article L. 77-10-7 ne peut plus faire l’objet d’un appel ou d’un pourvoi en cassation » (art. L. 77-10-8).

Par ailleurs, les conditions de mise en œuvre de la réparation et les procédures de réparations du préjudice sont définies par le code aux articles L. 77-10-10 à L. 77-10-14. À cet égard, il importe de relever, s’agissant de la gestion des fonds reçus au titre de l’indemnisation, que « sous réserve des dispositions législatives relatives au maniement des fonds des professions judiciaires réglementées, toute somme reçue au titre de l’indemnisation des personnes lésées membres du groupe est immédiatement versée sur un compte ouvert auprès de la Caisse des dépôts et consignations. Celui-ci ne peut faire l’objet de mouvements en débit que pour le règlement de l’affaire qui est à l’origine du dépôt » (art. L. 77-10-15).

Enfin, au titre des dispositions diverses prévues aux articles L. 77-10-18 à L. 77-10-25, relevons de manière essentielle :

  • que « l’action de groupe suspend la prescription et la forclusion des actions individuelles résultant des manquements constatés par le juge ou des faits retenus dans l’accord homologué en application de l’article L. 77-10-17 » et que « Le délai de prescription recommence à courir, pour une durée qui ne peut être inférieure à six mois, à compter de la date à laquelle le jugement n’est plus susceptible de recours ordinaire ou de pourvoi en cassation ou à compter de la date de l’homologation de l’accord. Les délais de forclusion recommencent à courir à compter de la même date» (art. L. 77-10-18) ;
  • qu’« est réputée non écrite toute clause ayant pour objet ou pour effet d’interdire à une personne de participer à une action de groupe» (art. L. 77-10-23).
  • que « l’appel formé contre le jugement sur la responsabilité a, de plein droit, un effet suspensif» (art. L. 77-10-25).
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