La preuve des mesures correctrices prises par le soumissionnaire concerné par un motif d’exclusion facultatif de la procédure d’attribution d’un marché public
Dans un arrêt du 14 janvier 2021, la Cour de justice de l’Union Européenne juge que les États membres peuvent prévoir dans leur droit interne, que la preuve des mesures correctrices prises par l’entreprise qui tomberait sous le coup de l’un des motifs d’exclusion facultatif prévu à l’article 57§6 de la directive 2014/24/UE du 26 février 2014 doit être apporté de sa propre initiative ; ceci à condition toutefois que cette obligation soit « prévue de manière claire, précise et univoque dans la règlementation nationale applicable et qu’elle soit portée à la connaissance de l’opérateur économique concerné au moyen des documents du marché » (Cons. 42).
Saisie à l’occasion d’un litige initié par deux concurrents évincés d’une procédure de passation de marché public, la Cour devait répondre à la question préjudicielle consistant à savoir si l’article 57 précité de la directive serait susceptible de s’opposer à ce qu’un opérateur économique puisse être exclu d’une procédure de passation « pour faute professionnelle grave sans avoir été préalablement invité par le pouvoir adjudicateur ou les documents du marché à apporter la preuve qu’il reste fiable malgré cette faute »
La Cour a tout d’abord rappelé que ce mécanisme d’auto-réhabilitation (pour la première fois introduit par la directive 2014/24/UE précitée) doit nécessairement faire l’objet d’une transposition en droit national, celui-ci procédant notamment du « principe du respect des droits de la défense, lequel, en tant que principe fondamental du droit de l’Union dont le droit d’être entendu dans toute procédure fait partie intégrante, trouve à s’appliquer dès lors que l’administration se propose de prendre à l’encontre d’une personne un acte lui faisant grief, tel qu’une décision d’exclusion adoptée dans le cadre d’une procédure de passation de marché » (Cons. 34). Selon la Cour donc, cette disposition introduit un mécanisme de « self-cleaning » « en conférant à cet égard un droit aux opérateurs économiques que les États membres doivent garantir lors de la transposition de ladite directive, dans le respect des conditions établies par cette dernière » (Cons. 26).
Il a cependant été relevé qu’aucune des dispositions de la directive ne précisait de quelle manière ni à quel stade de la procédure de passation de marché la preuve des mesures correctrices pouvait être apportée. La Cour en a donc déduit que « la possibilité laissée aux opérateurs économiques de fournir la preuve des mesures correctrices prises peut tout aussi bien s’exercer à leur initiative qu’à l’initiative du pouvoir adjudicateur, de même qu’elle peut tout aussi bien l’être lors de la présentation de la demande de participation ou de l’offre qu’à un stade ultérieur de la procédure ».
Néanmoins, la Cour est venue rappeler, de manière classique, que cette liberté devait s’exercer conformément aux principes fondamentaux de la commande publique, si bien que s’il était fait le choix de laisser les soumissionnaires fournir la preuve de ces mesures de leur propre initiative, une telle obligation devait nécessairement être expressément prévue soit par une règlementation non équivoque soit dans les documents de la consultation.