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L’attribution prioritaire de fréquences radioélectriques de diffusion aux entreprises chargées d’une mission de service public est compatible avec le droit de l’Union Européenne

03 décembre 2017

La récente création d’une chaine d’information en continu sous l’égide de France Télévisions a évidemment suscité l’ire des diffuseurs déjà présents sur le marché, au premier rang desquels la société TF1 qui a saisi le Conseil d’Etat d’un recours en annulation porté contre la décision du CSA du 6 juillet 2016 attribuant à France Télévisions une ressource radioélectrique pour la diffusion par voie hertzienne terrestre en mode numérique de la chaine d’information continue.

La décision rendue par le Conseil d’État le 15 novembre 2017 est intéressante à deux titres.

Dans un premier temps, le Conseil d’Etat a été amené à se prononcer sur la compatibilité des dispositions du II de l’article 26 de la loi du 30 septembre 1986 avec le droit de l’Union Européenne. Pour rappel, cette disposition de la loi de 1986 permet au CSA d’attribuer prioritairement des ressources radioélectriques de radiodiffusion à certaines sociétés ou à leurs filiales répondant à des obligations de service public lorsque cette ressource radioélectrique est nécessaire à l’accomplissement de leurs missions de service public.

À cet égard, le Conseil d’Etat rappelle que le droit de l’Union Européenne oblige « en principe les États membres à délivrer les autorisations d’utilisation des ressources radioélectriques selon une procédure ouverte, elles leur permettent de ne pas recourir à une telle procédure lorsque cela s’avère nécessaire à la réalisation d’un objectif d’intérêt général défini dans le respect du droit de l’Union et dès lors que la procédure suivie obéit à des critères objectifs, transparents, non discriminatoires et proportionnés ».

Ainsi, le CSA, « lorsqu’il est saisi d’une demande d’attribution prioritaire d’une ressource radioélectrique sur le fondement du II de l’article 26 de la loi du 30 septembre 1986, il lui appartient, sous le contrôle du juge, de vérifier que le programme concerné se rattache aux missions de service public, définies par la loi et le cahier des charges, de l’une des sociétés mentionnées au II de l’article 26, qu’il n’est pas possible d’assurer une réception satisfaisante de ce programme dans la zone concernée par un simple réaménagement des fréquences déjà attribuées et que l’accès prioritaire demandé ne réduira pas la ressource disponible pour les opérateurs ne relevant pas du secteur public dans une mesure qui porterait atteinte au pluralisme des programmes ».

En conséquence, lorsque le CSA procède à l’attribution prioritaire de ressources radioélectriques dans ces conditions, « la décision qu’il prend obéit à un objectif d’intérêt général et repose sur des critères objectifs, transparents, non discriminatoires et proportionnés ; qu’il en résulte qu’ainsi mises en œuvre, ces dispositions législatives sont compatibles avec les stipulations de l’article 106 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne et les objectifs définis à l’article 4 de la directive 2002/77/CE et à l’article 5 de la directive 2002/20/CE ».

Dans un second temps, le Conseil d’État n’a finalement pas eu à appliquer directement ces règles pour régler le litige porté devant lui puisqu’il a relevé qu’il « ressort des pièces du dossier que l’attribution prioritaire de la ressource radioélectrique à la société France Télévisions afin de permettre la diffusion de la chaîne France Info a été rendue possible par un réaménagement de la ressource radioélectrique déjà attribuée à la société nationale de programme et non par l’utilisation de fréquences en attente d’attribution ». Partant, la décision attaquée respecte les conditions définies par les dispositions du II de l’article 26 de la loi du 30 septembre 1986.

À noter toutefois, que le Conseil d’Etat a estimé que « la création d’une chaîne publique d’information en continu par le décret du 15 juin 2016 [dont le requérant excipait l’illégalité] a pour objet de répondre au besoin de connaissance et de compréhension de l’actualité, d’analyse et de mise en perspective conformément aux dispositions du quatrième alinéa de l’article 43-11 de la loi du 30 septembre 1986, aux termes desquelles la société France Télévisions assure « l’honnêteté, l’indépendance et le pluralisme de l’information ainsi que l’expression pluraliste des courants de pensée et d’opinion dans le respect du principe d’égalité de traitement et des recommandations du Conseil supérieur de l’audiovisuel » ; qu’ainsi, le pouvoir réglementaire n’a pas commis d’erreur manifeste d’appréciation au regard de la mission de service public confiée par la loi à la société France Télévisions en créant par le décret du 15 juin 2016 la chaîne France Info. »

En définitive, le recours a été rejeté.

CE 15 novembre 2017, Société TF1, req. n° 403875

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