Le Conseil d’Etat précise l’articulation des différentes sanctions contractuelles
Par une décision du 18 décembre 2020, le Conseil d’Etat est revenu sur l’articulation des différentes sanctions que l’administration est susceptible de prononcer à l’encontre de son cocontractant.
Dans cette affaire, la CCI du Pays de Saint-Malo a conclu avec la société Treuils et Grues Labor (TGL) un marché public ayant pour objet la fourniture d’une grue et sa mise en service au plus tard le 13 décembre 2004. Cependant, la réception provisoire n’a pu avoir lieu que le 11 avril 2007, et la mise en service n’a pas pu être réalisée en raison de dysfonctionnements qui n’ont jamais été repris malgré plusieurs mises en demeure. Le 28 novembre 2007, la CCI a donc notifié à la société TGL sa décision de faire procéder à l’exécution du marché à ses frais et risques par un autre prestataire. À cet effet, elle a conclu un premier marché de substitution portant sur une mission d’expertise technique de la grue, puis, un second ayant pour objet des travaux de remise en état de fonctionnement. Cependant, la grue n’a jamais pu être mise en service, de sorte que la CCI a procédé à la résiliation pour faute du marché qui avait été conclu avec la société TGL par une décision du 4 janvier 2012.
Dans ce contexte, le tribunal administratif de Rennes puis la cour administrative d’appel de Nantes ont été amenés à se prononcer sur une demande présentée par la CCI, tendant pour l’essentiel à la condamnation de la société TGL à l’indemniser des préjudices résultant de la mauvaise exécution du marché initial. Alors que le tribunal n’avait condamné la société TGL qu’à hauteur de 239 775,79 euros TTC, la cour administrative d’appel a porté cette condamnation à 918 236,04 euros TTC. La société TGL s’est donc pourvue en cassation devant le Conseil d’Etat.
Outre un rappel des conditions dans lesquelles peuvent être conclus des marchés de substitution (CE Ass. 9 novembre 2016, Société Fosmax LNG, req. n° 388806, au recueil) et peut être prononcée la résiliation du contrat aux torts du titulaire (CE 26 février 2014, Société Environnement services, req. n° 365546, aux tables), le Conseil d’Etat apporte deux séries de précisions.
D’abord, il expose les conditions dans lesquelles la résiliation pour faute peut s’ajouter à des pénalités prononcées par l’acheteur. À cet égard, la circonstance que des retards dans l’exécution des prestations ont fait l’objet de pénalités, avant la résiliation du marché, ne fait pas obstacle à ce que l’acheteur prononce en définitive la résiliation du marché pour faute du titulaire, quand bien même ce retard dans l’exécution des prestations ferait partie des motifs fondant la résiliation. Le principe non bis in idem n’a donc pas vocation à s’appliquer dans un tel cas de figure. En revanche, le Conseil d’Etat rappelle à toutes fins utiles qu’aucune pénalité de retard ne peut évidemment être prononcée pour la période postérieure à la résiliation
Ensuite, l’existence d’une faute d’une particulière gravité, qui peut fonder la résiliation du marché aux torts du titulaire, a également des conséquences sur les sommes supportées par le titulaire initial lorsque l’acheteur a conclu des marchés de substitution. En effet, le Conseil d’Etat affirme que « lorsque, en dépit de la conclusion de marchés de substitution, l’objet du marché initialement conclu n’a pu être réalisé, du fait de graves défaillances du titulaire du marché initial, notamment dans la conception de l’équipement livré, la personne publique a droit à la réparation, par le titulaire du marché initial, de son entier préjudice, qui résulte de l’ensemble des frais exposés pour les différents marchés ». En cela, il valide la position de la cour administrative d’appel de Nantes, qui avait mis à la charge de la société TGL le remboursement non seulement des marchés de substitution, mais aussi du marché initial.
Au total, l’inexécution de ses obligations par la société TGL a donc des conséquences radicales, puisqu’en l’espèce celle-ci doit supporter des pénalités de retard, les frais liés aux marchés de substitution, la résiliation de son propre marché et le remboursement à l’acheteur des sommes payées à ce titre.