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Le point de départ du délai de recours contentieux en cas de refus de l’agent de recevoir le pli en main propre

31 mai 2017

Dans une décision en date du 10 mai 2017, le Conseil d’État semble infléchir sa position jusqu’alors rigoureuse quant à l’application des dispositions de l’article R. 421-5 du Code de justice administrative, aux termes duquel « les délais de recours contre une décision administrative ne sont opposables qu’à la condition d’avoir été mentionnés, ainsi que les voies de recours, dans la notification de la décision »

Bien que cette solution revête a priori une portée plus générale, elle intéresse cependant tout particulièrement les agents publics quant aux conséquences contentieuses à tirer de leur refus de se voir remettre une décision en main propre.

En l’espèce, un agent public a été convoqué par son supérieur hiérarchique le 25 février 2013 en vue de se voir notifier en main propre la décision le révoquant de ses fonctions. Cependant, ce dernier a refusé d’en prendre réception et de signer le procès-verbal prévu à cet effet. Cette décision lui a finalement été ultérieurement notifiée par voie postale. L’agent a introduit un recours en annulation contre cette décision, enregistré au greffe du Tribunal le 3 mai suivant. Retenant la date à laquelle l’existence de cette décision avait été portée à connaissance de cet agent par voie orale, les juges d’appel – confirmant la position adoptée par les juges de première instance – ont rejeté ses conclusions comme tardives puisqu’introduites au-delà du délai de deux mois prévu à l’article R. 421-1 du Code de justice administrative, courant à compter de cette notification par voie orale.

Malgré une position relativement rigoriste quant à l’application des dispositions de l’article R. 421-5 du CJA, le Conseil d’État n’a pas censuré cette décision en jugeant tout au contraire que la cour n’avait pas commis d’erreur de droit « en retenant que le délai de recours contentieux avait couru à compter de la date de cette tentative de remise en main propre de la décision ; qu’elle n’a pas davantage commis d’erreur de droit en estimant que la notification par voie postale ultérieure n’étant pas, en principe, de nature à faire courir un nouveau délai de recours ». Cette solution apparait donc comme un infléchissement notable de la jurisprudence antérieure qui considérait notamment que le délai de recours contentieux ne pouvait commencer à courir lorsque la mention des voies et délais de recours ne figurait dans aucun des documents notifiés à l’agent intéressé (voir par exemple : CE 8 avril 1998, M. Abdessamad X…, req. n° 171548, mentionné aux Tables ; CE 11 décembre 2009, Centre hospitalier Montperrin, req. n° 323483, mentionné aux Tables).

Certes, la voie de la notification orale est admise (voir par exemple : CE 4 décembre 1981, Commune de Benfeld Bas-Rhin, req. n° 19499, publié au Recueil ; CE, 11 mars 1991, Mme X…, req. n° 77119, mentionnée aux Tables). Pour autant, dans cette hypothèse particulière, la jurisprudence exigeait que l’administration rapporte la preuve que l’information relative aux voies et délais de recours avait été portée à la connaissance de l’agent, cette preuve pouvant être rapportée par tout moyen (voir par exemple : CE 25 mars 2013, Etablissement public d’ingénierie pour l’informatique et les technologies de l’information et de la communication du Val-de-Marne, req. n° 352586 , mentionné aux Tables), preuve qui, en l’espèce, n’était pas établie.

Le Conseil d’Etat semble donc avoir fait primer sa jurisprudence selon laquelle le délai de deux mois doit être considéré comme courant à compter de la date à laquelle l’agent, lorsque l’impossibilité de lui notifier les voies et délais de recours résulte uniquement de son fait, a refusé de se voir remettre la décision litigieuse (voir par exemple en ce sens : CE, 9 novembre 1992, Préfet des Bouches-du-Rhône, req. n° 132878, mentionné aux Tables).

L’arrêt rendu par la Cour administrative d’appel a cependant été censuré par le Conseil d’État, au motif que le requérant avait pu être induit en erreur par l’indication du délai de recours figurant dans la décision qui lui a été notifiée par voie postale. L’arrêté indiquait en effet que ce dernier pouvait faire l’objet d’un recours contentieux dans un délai de deux mois à compter de sa notification, alors même que le délai, qui avait initialement commencé à courir à compter de sa « notification » orale, n’était pas encore arrivé à terme. Ainsi « en s’abstenant de rechercher si cette mention avait pu induire en erreur M. B… sur le terme du délai alors que celui-ci n’était pas encore expiré, la cour a commis une erreur de droit qui doit entrainer l’annulation de son arrêt en tant qu’il confirme le rejet pour tardiveté des conclusions de l’intéressé tendant à l’annulation de l’arrêté ».

Les agents publics refusant donc de se voir notifier une décision défavorable en main propre devront ainsi veiller à la computation du délai de recours contentieux, qui sera considéré comme courant dès la date de ce refus, alors même que les voies et délais de recours n’auraient pas été explicitement portés à leur connaissance.

Références

CE 10 mai 2017, M. A…B…, req. n° 396279, sera mentionné aux Tables

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