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L’expérimentation territoriale d’un droit de dérogation reconnu au préfet

28 janvier 2018

Partant du constat selon lequel « les porteurs de projets [étaient] confrontés à des situations complexes, ou l’enchevêtrement des règlementations donne lieu à des situations difficilement compréhensibles » et relevant la nécessité de donner « au décideur local des marges de manœuvres pour régler les cas individuels complexes », le ministère de l’Intérieur a publié le 18 septembre 2017 une feuille de route dans laquelle il s’engageait à donner aux préfets « la faculté (…) de déroger à la norme règlementaire, pour tenir compte de circonstances locales ».

C’est désormais chose faite puisque par un décret n° 2017-1845 du 29 décembre 2017 publié au Journal Officiel du 31 décembre 2017, il a été reconnu au profit des préfets, à titre expérimental sur une période de deux ans, un « droit de dérogation » local à certaines dispositions réglementaires nationales pour un motif d’intérêt général.

Cependant, ne seront concernés par cette expérimentation, en métropole, que les préfets de deux régions (Pays de la Loire et Bourgogne-Franche-Comté), et ceux de quatre départements (Lot, Bas-Rhin, Haut-Rhin et Creuse). En Outre-mer, celle-ci concernera Mayotte, Saint-Barthélemy et Saint-Martin.

Cette expérimentation sera également limitée du point de vue de son champ d’application organique puisque l’article 2 du décret énumère limitativement les matières pour lesquelles les préfets concernés peuvent « déroger à des normes arrêtées par l’administration de l’État » lorsqu’ils prennent « des décisions non réglementaires relevant de sa compétence ». L’usage de ce pouvoir spécifique sera donc circonscrit aux domaines suivants :

  • Construction, logement et urbanisme ;
  • Aménagement du territoire et politique de la ville ;
  • Environnement, agriculture et forêts ;
  • Subventions, concours financiers et dispositifs de soutien en faveur des acteurs économiques, des associations et des collectivités territoriales ;
  • Emploi et activité économique ;
  • Protection et mise en valeur du patrimoine culturel ;
  • Activités sportives, socio-éducatives et associatives.

En outre, sans que l’on sache encore si celles-ci seront cumulatives ou alternatives, l’article 3 du décret liste les conditions que ces dérogations devront remplir :

  • être justifiées par un motif d’intérêt général et l’existence de circonstances locales ;
  • avoir pour effet d’alléger les démarches administratives, de réduire les délais de procédure ou de favoriser l’accès aux aides publiques ;
  • être compatible avec les engagements européens et internationaux de la France ;
  • ne pas porter atteinte aux intérêts de la défense ou à la sécurité des personnes et des biens, ni une atteinte disproportionnée aux objectifs poursuivis par les dispositions auxquelles il est dérogé.

Enfin, et afin de garantir à cette expérimentation toute sa portée pratique, le décret précise que deux mois avant son terme, les préfets devront adresser aux ministres concernés un rapport d’évaluation qui précisera, notamment, « la nature et le nombre des dérogations accordées, les motifs d’intérêt général qui les ont justifiées et les effets de l’expérimentation au regard de ses objectifs » ainsi que les éventuelles contestations et contentieux dont ont pu faire l’objet les dérogations accordées.

Sans nul doute, ce dispositif s’inscrit – au même titre que le décret n° 20147-1862 du 29 décembre 2017 relatif à l’expérimentation territoriales d’un droit de dérogation reconnu au directeur général de l’agence régional de santé – dans le courant amorcé depuis quelques années déjà visant à favoriser l’adaptation de la norme générale aux contraintes et circonstances locales particulières, ainsi qu’en témoigne notamment l’article 72 alinéa 4 de la Constitution du 4 octobre 1958 issu de la loi constitutionnelle n° 2003-276 du 28 mars 2003 et aux termes duquel « dans les conditions prévues par la loi organique, et sauf lorsque sont en cause les conditions essentielles d’exercice d’une liberté publique ou d’un droit constitutionnellement garanti, les collectivités territoriales ou leurs groupements peuvent, lorsque, selon le cas, la loi ou le règlement l’a prévu, déroger, à titre expérimental et pour un objet et une durée limités, aux dispositions législatives ou réglementaires qui régissent l’exercice de leurs compétences ».

Et il n’est pas inintéressant de relever à cet égard que le pouvoir exécutif semblerait vouloir s’engager dans une démarche encore plus volontaire en faveur d’une véritable décentralisation du territoire, en annonçant sa volonté d’introduire dans la norme suprême un « droit à la différenciation ». Affaire à suivre…

Décret n° 2017-1845 du 29 décembre 2017 relatif à l’expérimentation territoriale d’un droit de dérogation reconnu au préfet

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