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Statut d’EPIC et aides d’État : la Cour de justice précise les contours de la présomption d’aide d’État

31 août 2018

Par une décision du 19 septembre 2018 (CJUE 19 septembre 2018, Commission européenne c. République française, aff. C-438/16), la Cour de justice devait se prononcer sur le point de savoir si l’octroi du statut d’établissement public à caractère industriel et commercial (ci-après « EPIC ») à l’IFPEN lui avait conféré une aide d’État sur l’ensemble de ses activités, tant dans ses relations avec les institutions bancaires et financières qu’avec ses fournisseurs et clients. En somme, se posait la question de savoir si la présomption de garantie implicite et illimitée de l’État, tirée du statut d’EPIC, devait jouer en l’espèce et ne pouvait être renversée.

Pour mémoire, par un arrêt La Poste, la CJUE a jugé qu’« il existe une présomption simple selon laquelle l’octroi d’une garantie implicite et illimitée de l’État en faveur d’une entreprise qui n’est pas soumise aux procédures ordinaires de redressement et de liquidation a pour conséquence une amélioration de sa position financière par un allégement des charges qui, normalement, grèvent son budget » ayant pour conséquence que, « dans le cadre de la procédure relative aux régimes d’aides existantes, pour prouver l’avantage procuré par une telle garantie à l’entreprise bénéficiaire, il suffit à la Commission d’établir l’existence même de cette garantie, sans devoir démontrer les effets réels produits par celle‑ci à partir du moment de son octroi » (CJUE, 3 avril 2014, République française c/ Commission européenne, aff. C-559/12, §98 et 99).

Le présent arrêt apporte deux précisions à ce désormais célèbre arrêt.

En premier lieu, la Cour précise dans quelles conditions la présomption d’aide peut être renversée. Rappelant le caractère « simple, et donc réfragable » de la présomption, la Cour juge néanmoins qu’elle « ne saurait être (…) renversée que dans la mesure où il est démontré que, compte tenu du contexte économique et juridique dans lequel s’insère la garantie rattachée au statut de l’EPIC concerné, ce dernier n’a pas obtenu dans le passé et, selon toute plausibilité, n’obtiendra pas dans l’avenir un quelconque avantage économique réel de cette garantie ». La seule preuve que l’établissement n’a tiré aucun avantage économique réel pour le passé de son statut – et de la garantie implicite et illimitée de l’État qui s’y attache – ne suffit ainsi pas à renverser la présomption, il faut également apporter la preuve qu’il n’en tirera pas plus pour le futur. À cet égard, l’avocat général considérait cette preuve rapportée en l’espèce, dans la mesure où « si l’IFPEN devait un jour avoir recours à l’emprunt pour l’avenir, il ne pourrait emprunter que pour une durée très limitée, ce qui découle du statut des organismes divers d’administration centrale (ODAC) dont bénéficie l’IFPEN », de sorte « qu’il n’était pas plausible qu[e l’IFPEN] obtienne à l’avenir de prêt auprès des institutions bancaires et financières à des conditions financières plus avantageuses que celles qui sont normalement consenties sur les marchés financiers » (CJUE, n° C-438/16, Conclusions de l’avocat général de la Cour, 7 décembre 2017, §142 et 143).

En second lieu, si la Cour de justice considère que la garantie implicite et illimitée de l’État dont bénéficie un EPIC est susceptible de lui procurer un avantage non seulement dans ses relations avec les institutions bancaires et financières mais également avec ses fournisseurs et clients, elle se refuse toutefois à étendre, sans condition, la présomption dégagée dans l’arrêt La Poste à l’égard de ces derniers. En ce sens, elle juge que cette présomption ne « peut être étendue, de manière automatique, aux relations d’un EPIC avec ses fournisseurs et ses clients, sans qu’il soit nécessaire d’examiner, au préalable, si, compte tenu des comportements desdits acteurs, l’avantage que l’établissement peut en tirer est similaire à celui qu’il tire de ses relations avec les institutions bancaires et financières ». Dès lors, « l’application de ladite présomption aux relations de l’EPIC avec les fournisseurs et les clients ne se justifierait que dans la mesure où de telles conditions plus avantageuses se présentent également dans les relations avec ces derniers sur les marchés intéressés ». La Cour renvoie ainsi au Tribunal le soin de vérifier si les conditions ainsi posées étaient réunies s’agissant de l’IFPEN.

CJUE 19 septembre 2018, Commission européenne contre République française, aff. C-438/16

CJUE, n° C-438/16, Conclusions de l’avocat général de la Cour, 7 décembre 2017

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