L’occupant privatif du domaine public supporte le risque économique lié à l’exploitation
Par un arrêt en date du 5 mars 2020, la cour administrative d’appel de Paris réaffirme que l’autorité domaniale n’est pas tenue de garantir les conditions économiques d’exploitation de son occupant privatif, ce dernier supportant le risque économique.
Dans cette affaire, l’AP-HP avait conclu avec la société OHM quatre conventions l’autorisant à occuper les sites de plusieurs hôpitaux parisiens, entre 2010 et 2012, en vue de l’exploitation et de l’installation des équipements de services de télévision, de téléphonie et de mise à disposition d’Internet pour les patients de ces hôpitaux. Puis par un courrier du 26 avril 2016, la société OHM a présenté une réclamation sollicitant, d’une part, l’indemnisation des pertes d’exploitation subies à raison de manquements contractuels de l’APHP, et d’autre part, le remboursement d’investissements qui n’étaient pas contractuellement prévus dans le cadre de l’exécution de ces conventions. À la suite du refus exprimé par l’AP-HP, la société OHM a saisi le tribunal administratif de Paris, qui a rejeté sa demande par un jugement du 1er juin 2017. C’est pourquoi elle a alors saisi, en appel – par le biais de son liquidateur judiciaire –, la cour administrative d’appel de Paris.
La cour administrative d’appel rejette la requête par un raisonnement en deux temps.
D’abord, elle relève que les obligations contractuelles de l’APHP étaient limitées, en substance, à une obligation de collaboration de bonne foi au bon fonctionnement du service. Par conséquent, elle conclut à l’absence de manquement contractuel de l’APHP en rejetant successivement les moyens fondés sur :
- De prétendus vols et dégradations, qui, outre qu’ils n’étaient pas étayés, ne manifestaient aucune méconnaissance de ses obligations par l’APHP ;
- Le nombre élevé d’usagers bénéficiant du service à titre gratuit, puisque ce nombre n’avait pas excédé ce qui était prévu par les conventions conclues entre l’APHP et la société OHM ;
- Des fermetures et modifications de services de certains hôpitaux, au motif qu’il n’est pas établi que le seuil contractuel de lits fermés, au-delà duquel une renégociation était contractuellement prévue, avait été atteint ;
- L’obsolescence des installations existantes, puisque la société OHM s’était contractuellement engagée à reprendre les équipements et infrastructures en leur état existant et à prendre en charge leur renouvellement ;
- Le retard de déploiement lié à une opération de désamiantage sur l’un des hôpitaux, qui n’établit pas que l’APHP l’aurait ainsi privée des moyens nécessaires à l’exécution du service ;
- L’obligation d’aménager un local d’accueil, qui découlait de ses engagements contractuels ;
- La prétendue impossibilité d’exploiter le service sur l’un des hôpitaux, résultant du changement de type d’autocommutateur, ou encore de la prétendue attribution d’un service Internet sans fil à une société tierce, ces allégations n’étant pas établies et ne caractérisant donc pas un manquement contractuel de l’APHP ;
- Le retard dans le déploiement du service, au sein d’un des hôpitaux, lié à la construction d’un nouveau bâtiment et à des modifications techniques, lesquelles ne caractérisent aucun manquement contractuel de l’APHP ;
Il en résulte, au total, que l’APHP n’a méconnu aucune de ses obligations contractuelles.
Ensuite, la cour ajoute que la convention prévoyait expressément que la société OHM exerçait son activité « à ses frais et risques ». Par conséquent, ni les recettes escomptées, ni le coût prévisionnel des investissements n’avaient une valeur contractuelle, et n’imposaient à l’APHP de garantir la société OVH au titre des pertes d’exploitation ou des investissements réalisés.
Enfin, s’il est vrai que l’AP-HP s’était contractuellement engagée à indemniser le titulaire, en fin de contrat, au titre des investissements non amortis, la société OVH n’établit pas que les investissements réalisés n’ont pas pu être amortis. À cet égard, la cour estime insuffisante la simple attestation d’un cabinet d’expertise comptable.
Par suite, dans la mesure où la société OHM supportait le risque d’exploitation et où aucun manquement contractuel ne pouvait être relevé à l’encontre de l’APHP, la cour administrative d’appel rejette la demande indemnitaire.