L’utilisation par un salarié de son temps de travail à des fins autres que celles pour lesquelles il perçoit une rémunération est un abus de confiance
Dans un arrêt du 3 mai 2018, la Chambre criminelle de la Cour de cassation a rendu un arrêt particulièrement intéressant en matière d’abus de confiance dans le monde de l’entreprise : « dès lors que constitue le délit d’abus de confiance l’utilisation, par des salariés, de leur temps de travail à des fins autres que celles pour lesquelles ils perçoivent une rémunération de leur employeur, la cour d’appel a, sans méconnaître le principe de légalité des délits et des peines et les dispositions conventionnelles invoquées, justifié sa décision ».
En l’espèce, deux salariés avaient créé et développé une activité commerciale pour deux sociétés concurrentes de leur employeur, pendant leur temps de travail et en utilisant les moyens téléphoniques et informatiques de ce dernier.
Cet arrêt fait suite à une précédente décision de la Chambre criminelle, rendue le 19 juin 2013 (Crim., 19 juin 2013, n°12-83.031) qui avait été abondamment commenté à l’époque puisqu’elle avait pour la première fois jugé que « l’utilisation, par un salarié, de son temps de travail à des fins autres que celles pour lesquelles il perçoit une rémunération de son employeur constitue un abus de confiance ».
Pour mémoire, l’abus de confiance est défini comme suit par l’article 314-1 du Code pénal : « L’abus de confiance est le fait par une personne de détourner, au préjudice d’autrui, des fonds, des valeurs ou un bien quelconque qui lui ont été remis et qu’elle a acceptés à charge de les rendre, de les représenter ou d’en faire un usage déterminé. L’abus de confiance est puni de trois ans d’emprisonnement et de 375 000 euros d’amende. ».
La jurisprudence de la Cour de cassation s’inscrit depuis plusieurs années dans une démarche croissante de dématérialisation de l’objet de cette infraction, qui peut être des fonds, valeurs ou un bien quelconque (caractérisation de l’abus de confiance pour le détournement d’informations relatives à la clientèle, de numéros de cartes de crédit ou encore de fichiers informatiques). L’arrêt du 19 juin 2013 était critiquable au regard du principe de légalité des délits et des peines, puisque le temps de travail n’est pas remis par l’employeur à son salarié, qui ne se l’approprie pas en effectuant des tâches qui ne sont pas celles pour lequel il est employé.
La Chambre criminelle n’a pas écouté ces critiques doctrinales et a ainsi réaffirmé son positionnement en la matière, en perpétuant la démarche de dématérialisation de cette infraction et en renforçant la pénalisation du monde du travail.