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Harcèlement moral d’un agent : le seul jugement non définitif rejetant le recours de l’agent est insuffisant pour justifier qu’il soit mis fin à sa protection fonctionnelle

05 novembre 2018

S’estimant victime de harcèlement moral, un agent du Conseil économique, social et environnemental (CESE) a sollicité l’octroi de la protection fonctionnelle, que le président du CESE lui a accordée par décision du 26 mars 2013. Dans ce cadre, l’agent a déposé une plainte pénale ainsi qu’un recours indemnitaire devant le tribunal administratif aux fins de condamnation de l’État.

Or, le tribunal administratif de Paris a, par jugement du 4 juin 2014, rejeté les conclusions indemnitaires présentées par l’agent. À la suite de ce jugement, le président du CESE a décidé, le 8 juillet 2014, qu’il ne prendrait en charge ni les frais occasionnés à l’avenir par la poursuite de la procédure devant le juge administratif, ni le montant de 3 000 euros correspondant à la consignation afférente à sa constitution de partie civile devant le juge pénal. Le tribunal administratif de Paris, par un jugement du 20 juin 2016, a annulé cette décision et par son arrêt du 30 mai 2017, la cour administrative d’appel de Paris a annulé ce jugement en tant qu’il a annulé la décision du 8 juillet 2014 en ce qu’elle refuse la prise en charge pour l’avenir des frais engagés par l’agent au titre de la procédure devant le juge administratif.

Dans le cadre de son office de juge de cassation, le Conseil d’État relève que dès lors que la demande de protection fonctionnelle est présentée à raison de faits de harcèlement, « la seule intervention d’une décision juridictionnelle non définitive ne retenant pas la qualification de harcèlement ne suffit pas, par elle-même, à justifier qu’il soit mis fin à la protection fonctionnelle. ». Toutefois, le Conseil d’État rappelle que l’administration conserve la possibilité de procéder au réexamen de sa position et de mettre fin à l’octroi de la protection fonctionnelle si elle devait estimer que « les éléments révélés par l’instance, et ainsi nouvellement portés à sa connaissance, permettent de regarder les agissements de harcèlement moral comme n’étant pas établis. »

Dans ses conclusions sur cet arrêt, le rapporteur public Gilles Pellissier a rappelé qu’en matière de protection fonctionnelle, l’administration ne pouvait limiter l’octroi de la protection à une phase de la procédure, à moins qu’elle ait eu un motif particulier le justifiant. Pour autant, l’administration « doit pouvoir (…) décider d’y mettre fin, non pas à tout moment (…) mais à chaque phase de l’action, c’est-à-dire à chaque moment où la poursuite de l’action est subordonnée à une décision de l’agent. » Et parmi les motifs pouvant justifier une remise en cause de la protection, le rapporteur public a estimé que « la logique (…) semble imposer que ce soient les motifs qui justifient de refuser d’accorder la protection statutaire qui justifient également d’y mettre fin. » Dès lors, l’administration peut mettre fin à la protection mais seulement si ces motifs sont fondés sur des « éléments nouveaux, dont l’autorité administrative n’avait pas connaissance lorsqu’elle a accordé la protection et qui sont de nature à modifier son appréciation de la situation. ».

Cela étant rappelé, le rapporteur public a estimé que « la cour ne pouvait donc pas se borner à constater que le jugement avait conclu à l’absence de harcèlement ; elle devait apprécier au regard de faits nouveaux tels qu’ils ressortaient de l’ensemble des pièces du dossier (…) si l’agent pouvait prétendre à une protection de son employeur. »

CE 1er octobre 2018, req. n° 412897, Mentionné dans les tables du recueil Lebon

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