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Précisions sur les conditions d’application d’une clause d’élection de for

04 janvier 2016

L’article L. 442-6 du Code de commerce dispose :

« I. – Engage la responsabilité de son auteur et l’oblige à réparer le préjudice causé le fait, par tout producteur, commerçant, industriel ou personne immatriculée au répertoire des métiers : (…)

5° De rompre brutalement, même partiellement, une relation commerciale établie, sans préavis écrit tenant compte de la durée de la relation commerciale et respectant la durée minimale de préavis déterminée, en référence aux usages du commerce, par des accords interprofessionnels. […] ».

Cette disposition protectrice des commerçants en cas de rupture de relations commerciales établies a été érigée en loi de police par la Cour de cassation, que la Cour de Justice de l’Union Européenne définit comme une « disposition nationale dont l’observation est jugée cruciale pour la sauvegarde de l’organisation politique, sociale ou économique de l’État au point d’en imposer le respect à toute personne se trouvant sur le territoire ou localisée dans celui-ci » (CJCE 23 novembre 1999, Arblade, aff. C-369/96).

Un arrêt de la chambre commerciale du 24 novembre dernier (pourvoi n° 14-14924) précise ses conditions d’application dans un contexte européen en cas de clause d’élection de for. La Cour de cassation y fait une application stricte des conditions de forme et de fond posées par l’article 23 du règlement n°44/2001 du 22 décembre 2000 s’agissant de la validité d’une clause d’élection de for.

D’une première part, s’agissant des conditions de forme, l’article 23 dispose :

« Cette convention attributive de juridiction est conclue:

  1. a) par écrit ou verbalement avec confirmation écrite, ou
  2. b) sous une forme qui soit conforme aux habitudes que les parties ont établies entre elles, ou
  3. c) dans le commerce international, sous une forme qui soit conforme à un usage dont les parties avaient connaissance ou étaient censées avoir connaissance et qui est largement connu et régulièrement observé dans ce type de commerce par les parties à des contrats du même type dans la branche commerciale considérée».

En l’espèce, la cour d’appel de Versailles avait relevé (i) le caractère peu apparent de la mention « Gerichtstand München » (tribunal compétent Munich) figurant au bas des factures émises par la société allemande assignée devant les tribunaux français ; et (ii) le fait qu’il n’était pas démontré que cette clause ait été portée préalablement à la connaissance du distributeur lors de l’émission des bons de commande ni qu’elle ait été approuvée au moment de l’accord sur les prestations. La Cour de cassation a confirmé l’invalidité de la clause d’élection de for à cet égard.

D’une seconde, part, s’agissant des conditions de fond, l’article 23 dispose :

« Si les parties, dont l’une au moins a son domicile sur le territoire d’un État membre, sont convenues d’un tribunal ou de tribunaux d’un État membre pour connaître des différends nés ou à naître à l’occasion d’un rapport de droit déterminé, ce tribunal ou les tribunaux de cet État membre sont compétents. Cette compétence est exclusive, sauf convention contraire des parties ».

En l’espèce, l’arrêt d’appel avait constaté que la clause d’élection de for ne donnait « aucune définition du rapport de droit déterminé pouvant donner lieu à la prorogation de compétence prévue par l’article 23 du règlement de Bruxelles I ». La Cour de cassation confirme l’invalidité de la clause à cet égard.

Toutefois, malgré l’invalidité de la clause d’élection de for, la Cour de cassation précise que ce n’est pas parce que le demandeur (un distributeur français) avait fondé sa demande sur l’article L. 442-6 du Code de commerce, dont elle confirme qu’il constitue une loi de police, que les tribunaux français sont automatiquement compétents pour connaître de cette demande. La Cour de cassation reproche ainsi à la cour d’appel d’avoir confondu règles de conflits de juridiction et lois de police. Il convenait d’appliquer les règles de compétence posées par le règlement.

Références :

Cass. Com 24 novembre 2015, n° 14-14924

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