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Précisions sur les conditions de retrait d’une décision non formalisée accordant un avantage financier

08 janvier 2018

Par une décision rendue le 13 décembre 2017, le Conseil d’Etat précise les conditions dans lesquelles l’administration peut procéder au retrait d’un avantage financier illégalement octroyé à son bénéficiaire.

En l’espèce, par une délibération en date du 9 août 1995, le centre communal d’action sociale (CCAS) d’Aimargues avait décidé d’attribuer une indemnité de fonction annuelle au vice-président du centre alors en fonction. Quelques années plus tard et bien qu’aucune décision formelle n’ait jamais reconnu expressément l’intéressée bénéficiaire de ce complément de rémunération, la vice-présidente en poste durant la période courant de 2002 à 2008, a perçu cette même indemnité. Estimant toutefois qu’il n’était pas légalement habilité à verser une telle indemnité, le conseil d’administration du CCAS a, par délibération en date du 30 janvier 2012, demandé au conseil municipal de la commune d’ordonner le remboursement par l’intéressée de l’indemnité qu’elle avait perçue et émis un titre de perception en vue de la récupération de ces sommes. Mme A…, bénéficiaire de ce complément de rémunération, a alors introduit deux actions en excès de pouvoir tendant à l’annulation de chacun de ces deux actes, rejetés en première instance mais auxquels il a cependant été fait droit en appel, conduisant alors le CCAS à se pourvoir en cassation.

La règle héritée de la décision Ternon, désormais codifiée à l’article L.240-1 du code des relations entre le public et l’administration, est connue : « Sous réserve des dispositions législatives ou réglementaires contraires et hors le cas où il est satisfait à une demande du bénéficiaire, l’administration ne peut retirer une décision individuelle créatrice de droits, si elle est illégale, que dans le délai de quatre mois suivant la prise de cette décision. ». Cependant, après avoir rappelé ce principe, restait au Conseil d’État, dans un second temps, de déterminer si le versement de l’indemnité litigieuse pouvait être regardé comme un acte créateur de droit, condition sine qua non du régime juridique précité.

Rappelons à cet égard qu’à la suite de l’arrêt Soulier (CE, sect., 6 nov. 2002, req. n° 223041, publié au Recueil), il a été admis qu’une décision administrative accordant un avantage financier créait des droits au profit de son bénéficiaire. Le Conseil d’Etat a très vite ajouté, par un avis Fort (CE 3 mai 2004, req. n° 262074, publié au Recueil) qu’une décision, même non formalisée, accordant un avantage financier pouvait également être créatrice de droit dès lors qu’elle était « révélée par des agissements ultérieurs ayant pour objet d’en assurer l’exécution ». L’avis Fontenille (CE, sect., 12 oct. 2009, req. n° 310300, publié au Recueil) a cependant pu faire douter de la pérennité de la solution dégagée par l’avis précité en retenant que « le maintien indu du versement d’un avantage financier à un agent public, alors même que le bénéficiaire a informé l’ordonnateur qu’il ne remplit plus les conditions de l’octroi de cet avantage, n’a pas le caractère d’une décision accordant un avantage financier et constitue une simple erreur de liquidation ». Toutefois, conscient de l’enjeu que représente la qualification d’acte créateur de droit, le Conseil d’Etat, par cette solution, a en réalité pris soin de conserver une position pragmatique en excluant de cette catégorie les erreurs de liquidation et de paiement, afin de ne pas enfermer l’administration dans un régime juridique qui l’empêcherait de recourir à la répétition de l’indu.

Finalement, réalisant un équilibre entre préservation des droits des administrés et protection de l’administration, la décision Office national de la chasse et de la faune sauvage a clarifié l’état du droit selon cette même logique finaliste, puisque désormais, « une décision administrative explicite accordant un avantage financier crée des droits au profit de son bénéficiaire alors même que l’administration avait l’obligation de refuser cet avantage (..) Qu’il en va de même, dès lors que le bénéfice de l’avantage en cause ne résulte pas d’une simple erreur de liquidation ou de paiement, de la décision de l’administration accordant un avantage financier qui, sans avoir été formalisée, est révélée par les circonstances de l’espèce, eu égard notamment à la situation du bénéficiaire et au comportement de l’administration » (CE, 25 juin 2012, req. n° 334544, mentionné aux Tables).

C’est dans la lignée de cette décision que s’inscrit l’arrêt rendu par le Conseil d’Etat le 13 décembre 2017, jugeant qu’en dépit de l’absence de décision formelle la désignant personnellement comme bénéficiaire de cette indemnité, la requérante « était en droit d’en bénéficier » dans la mesure où « l’indemnité de fonction a été versée chaque mois à Mme A…au cours des années 2002 à 2008 où elle a occupé ce poste de vice-président ». Ainsi, « dans ces circonstances, le versement de cette indemnité à Mme A…ne saurait résulter d’une simple erreur de liquidation ou de paiement de la part de l’administration ». En somme, « la décision d’attribution de l’indemnité figurant dans la délibération du 9 août 1995 avait créé des droits pour Mme A…dès la date de sa désignation », rendant ainsi impossible, le délai de quatre mois étant largement expiré, de réclamer à la requérante le remboursement des sommes perçues, malgré l’illégalité des versements.

Par suite, le Conseil d’État a confirmé la décision rendue par les juges d’appel qui avaient censuré les jugements rejetant les demandes d’annulation qui avaient été introduite par la requérante.

CE 13 décembre 2017, Centre communal d’action communal d’Aimargues, req. n° 393466, à mentionner aux Tables

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