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Précisions sur les motifs d’intérêt général justifiant l’octroi de dérogations au RNU

01 décembre 2016

Par une décision du 16 novembre, le Conseil d’État apporte d’utiles précisions sur les possibilités de déroger, pour un motif d’intérêt général, aux dispositions du Règlement National d’Urbanisme (RNU) lors de la délivrance d’un permis de construire.

En l’espèce, le Préfet des Alpes-Maritimes a délivré, au nom de l’État, un permis de construire en vue de surélever une habitation existante et d’en modifier la véranda, située sur le territoire de Tourette-du-Château, commune dotée d’une carte communale et soumise au RNU. Faute pour le projet de respecter la règle de distance entre les constructions, imposée par l’article R.111-17 du Code de l’urbanisme applicable au moment des faits, le Préfet a autorisé la dérogation à ces dispositions sur le fondement de l’article R.111-20, qui conditionne cette faculté à l’édiction d’une « décision motivée de l’autorité compétente, après avis du maire de la commune lorsque celui-ci n’est pas l’autorité compétente ».

Saisi par un voisin d’un recours pour excès de pouvoir tendant à l’annulation du permis, fondé notamment sur la violation de la règle de distance entre les constructions ayant donné lieu à la dérogation précitée, le Tribunal administratif de Nice a refusé d’y faire droit. Mais la Cour administrative d’appel de Marseille a censuré le jugement et annulé le permis de construire au motif que « les considérations alléguées [par le Préfet] ne sont pas […] de nature à justifier la dérogation accordée » vu la faible importance des travaux envisagés qui se limitent à « une simple extension d’un immeuble existant ». (CAA Marseille, 26 septembre 2014, M. H…, req. n°12MA04910).

Saisi d’un pourvoi, le Conseil d’État annule l’arrêt et confirme la pertinence des motifs retenus par le Préfet pour accorder la dérogation aux règles du RNU.

D’une part, il rappelle le considérant de principe établi par la jurisprudence pour pallier le caractère laconique de l’article R.111-20, à savoir « qu’une dérogation [aux prescriptions du RNU] peut être légalement autorisée si les atteintes qu’elle porte à l’intérêt général que les prescriptions d’urbanisme ont pour objet de protéger ne sont pas excessives eu égard à l’intérêt général que présente cette dérogation » (CE, 18 juillet 1973, Ville de Limoges, req. n°86275 ; CE, 8 décembre 1976, Ministre de l’Équipement, req. n°99280). En somme, le Juge applique la théorie du bilan et admet les dérogations qui ne portent pas une atteinte trop importante à l’intérêt général qui s’attache à la règle méconnue.

D’autre part, il considère que la Cour a dénaturé les faits qui lui étaient soumis en jugeant que les motifs retenus par le Préfet ne justifiaient pas l’octroi d’une dérogation aux prescriptions du RNU. En creux, le Conseil d’État estime que les travaux envisagés et la dérogation qu’ils impliquent présentent un caractère d’intérêt général puisqu’ils sont « de nature à améliorer l’habitabilité de [l’]immeuble », « à contribuer au maintien d’une famille nombreuse dans le village » et contribuent « à une meilleure insertion de l’immeuble dans l’habitat voisin ».

Alors que le dernier motif retenu par le Conseil d’État ne présente guère d’originalité, en ce qu’il vise seulement à garantir une cohérence urbanistique – le Juge ayant, par exemple, déjà admis une telle dérogation pour un motif esthétique (CE, 25 octobre 1978, M. X…, req. n°02133) –, reste que les deux autres motifs sont pour le moins surprenants car relevant a priori d’un intérêt privé plutôt que de l’intérêt général. Toutefois, l’on peut supposer que la Haute Cour a entendu se placer, non du point de vue du propriétaire de l’immeuble et de sa famille, mais plutôt de celui de la Commune et de l’intérêt pour elle de conserver un caractère attractif pour ses résidents, actuels ou futurs.

En pratique, cette décision offre de nouvelles perspectives aux services instructeurs en leur conférant une liberté relative dans le choix des motifs justifiant l’octroi de dérogations aux prescriptions du RNU. On pense notamment aux communes rurales ou souffrant d’un déficit démographique qui pourraient, le cas échéant, recourir à cette solution pour inciter leurs habitants à rester, voire pour essayer d’en attirer de nouveaux.

Références

CE 16 novembre 2016, M. C…, req. n°386298, sera mentionné aux tables

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