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Prise en compte d’une condamnation pénale pour exclure un soumissionnaire

08 janvier 2018

Par un arrêt rendu le 20 décembre 2017, la Cour de justice de l’Union européenne juge que les principes d’égalité de traitement et de proportionnalité ne font pas obstacle à ce d’une réglementation nationale permette au pouvoir adjudicateur de prendre en considération une condamnation pénale, même non définitive, de l’administrateur d’une entreprise soumissionnaire.

Les faits objets du litige portaient sur une procédure d’appel d’offres pour un marché de travaux lancé par une province italienne.

Cette dernière a dans un premier temps admis la candidature de la société MANTOVANI qui avait présenté une demande de participation en son propre et en qualité de chef de file mandataire d’une association temporaire d’entreprises. À ce stade, la société a produit deux déclarations, prévue par la législation en vigueur, déclarant que Monsieur B, en sa qualité de président du conseil d’administration, directeur général et représentant légal ayant cessé d’exercer ses fonctions le 6 mars 2013, n’a fait l’objet d’aucun jugement de condamnation passé en force de chose jugée. Le 16 décembre 2016, la société MANTOVANI a réitéré le contenu de cette déclaration. La candidature de la société a été admise avec réserve le 9 janvier 2014 par le pouvoir adjudicateur dans l’attente que la société apporte certaines précisions au sujet de Monsieur B, à la suite d’un article de presse locale, publié le 6 décembre 2013, qui révélait que celui-ci avait fait l’objet de poursuites judiciaires, pour avoir été l’instigateur d’un système de fausses factures. Par la suite, le pouvoir adjudicateur s’est procuré le casier judiciaire de l’intéressé duquel il ressortait que ladite condamnation avait été infligée le 5 décembre 2013, et était passée en force de chose jugée le 29 mars 2014. La société s’est défendue en faisant valoir qu’une dissociation complète et effective était à observer entre la société et le dirigeant dès lors que ce dernier avait été immédiatement démis de ses fonctions et qu’une réorganisation en interne avait été opérée. Saisie par le pouvoir adjudicateur, l’agence anticorruption a considéré que si la société MANTOVANI ne pouvait se voir reprocher d’avoir commis de fausses déclarations, le défaut de communication en temps utile, de l’évolution d’une procédure pénale pouvait constituer une violation de l’obligation de coopération loyale avec le pouvoir adjudicateur et faire ainsi échec à la dissociation complète et effective par rapport à la personne concernée conformément à la législation italienne. Le pouvoir adjudicateur a donc décidé d’exclure la société de la procédure d’appel d’offres. La société MANTOVANI conteste la légalité de la législation italienne.

La CJUE considère que l’article 45, paragraphe 2, de la directive 2004/18 n’envisage pas une uniformité d’application des causes d’exclusion qui y sont indiquées au niveau de l’Union, dans la mesure où les États membres ont la faculté de ne pas appliquer ces causes d’exclusion, ou de les intégrer dans la réglementation nationale avec un degré de rigueur qui pourrait être variable selon les cas, en fonction de considérations d’ordre juridique, économique ou social prévalant au niveau national. Dans ce cadre, les États membres ont le pouvoir d’alléger ou de rendre plus souples les critères établis à cette disposition (CJUE 14 décembre 2016, Connexxion Taxi Services, Aff. C‑171/15, point 29).

Dès lors, les principes de l’égalité de traitement et de proportionnalité doivent être interprétés en ce sens qu’ils ne s’opposent pas à une réglementation nationale permettant au pouvoir adjudicateur, d’une part, de prendre en considération, selon les conditions qu’il a établies, une condamnation pénale de l’administrateur d’une entreprise soumissionnaire, même si cette condamnation n’est pas encore définitive, pour un délit affectant la moralité professionnelle de cette entreprise lorsque celui-ci a cessé d’exercer ses fonctions dans l’année qui précède la publication de l’avis de marché public et, d’autre part, d’exclure ladite entreprise de la participation à la procédure de passation de marché en cause, au motif que, en omettant de déclarer cette condamnation non encore définitive, elle ne s’est pas dissociée complètement et effectivement des agissements dudit administrateur.

CJUE, 20 décembre 2017, Impresa di Costruzioni Ing. E. Mantovani SpA, Guerrato SpA c/ Provincia autonoma di Bolzano, Aff. C-178/16

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