Refus de suspendre des arrêtés dits « anti-pesticides »
Par deux ordonnances n° 1912597 et n° 1912600 du 8 novembre 2019, le juge des référés du Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a refusé de faire droit aux demandes de suspension introduites par le Préfet des Hauts-de-Seine contre des arrêtés dits « anti-pesticides » pris, respectivement, par le maire de Gennevilliers et le maire de Sceaux.
Plus précisément, ces arrêtés interdisaient l’utilisation du glyphosate et d’autres produits phytopharmaceutiques destinés à lutter contre des organismes réputés nuisibles, et à l’entretien de certains espaces.
Après avoir cité plusieurs dispositions du code rural et de la pêche maritime, le juge en a, dans les deux affaires, déduit que le législateur avait entendu organiser une police spéciale des produits phytopharmaceutiques relevant de la compétence des ministres chargés de l’agriculture, de la santé, de l’environnement et de la consommation, ou de celle du préfet du département dans lequel ces produits sont utilisés. Ce faisant, le juge reconnaît que l’autorité administrative est tenue d’interdire ou d’encadrer l’utilisation de produits phytopharmaceutiques dans les zones utilisées par le grand public ou par des groupes vulnérables au sens de l’article 3 du règlement (CE) n° 1108/2009 (soit les femmes enceintes et allaitantes, les enfants à naître, nourrissons et enfants, les personnes âgées et toutes personnes fortement exposées aux pesticides sur le long terme).
Le juge des référés rappelle, dans un second temps, que si le pouvoir de prendre des mesures de police générale nécessaires au bon ordre, à la sûreté, à la sécurité et à la salubrité revenait au maire, ce dernier ne pouvait s’immiscer dans l’exercice de la police spéciale des produits phytopharmaceutiques qu’en cas de danger grave ou imminent ou de circonstances locales particulières. Les ordonnances s’attachent alors à examiner la réalité d’un éventuel danger grave. Pour ce faire, le juge relève l’importance des populations vulnérables sur le territoire des deux communes, le grand nombre d’espaces verts non protégés par ailleurs contre les produits phytopharmaceutiques et, enfin, se réfère à la décision du 26 juin 2019 par laquelle le Conseil d’Etat avait annulé partiellement l’arrêt du 4 mai 2017 règlement l’utilisation de pesticides à raison de ses insuffisances en termes, notamment, de protection des riverains ou des eaux de surfaces (CE, 26 juin 2019, Association générations futures et Association eau et rivières de Bretagne, req. n° 415426 et 415431).
A, dans ces conditions, été considérée comme établie une présomption de dangerosité et de persistance dans le temps des effets néfastes pour la santé publique et l’environnement des produits phytopharmaceutiques concernés par les arrêtés litigieux. Or, dans la mesure où le juge relève que les titulaires des pouvoirs de police spéciale des produits phytopharmaceutiques n’ont pas pris des mesures règlementaires suffisantes, est jugé que les maires de Gennevilliers et de Sceaux devenaient compétents pour prendre ces arrêtés.
Pour rappel, les autres juges des référés de plusieurs tribunaux administratifs avaient, jusque-là, considéré qu’au regard de l’existence de cette police spéciale, les circonstances locales ou encore le principe de précaution n’étaient pas de nature à habiliter le maire à prendre des arrêtés dits « anti-pesticides » et avaient ainsi suspendu ces derniers.
TA Cergy-Pontoise, 8 novembre 2019, Préfet des Hauts-de-Seine, req. n° 1912597
TA Cergy-Pontoise, 8 novembre 2019, Préfet des Hauts-de-Seine, req. n° 1912600