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Régime d’indemnisation du titulaire d’un marché annulé sur le terrain quasi-délictuel

06 novembre 2017

Par sa décision, qui sera publiée au Recueil, en date 6 octobre 2017 Société Cégelec Perpignan, le Conseil d’État apporte d’utiles précisions sur les conditions d’indemnisation sur le terrain quasi-délictuel du titulaire d’un marché annulé en raison d’une faute imputable à l’administration.

Un centre hospitalier a lancé une procédure d’appel d’offres ouvert en vue de la construction d’un centre de gérontologie. À l’issue de la consultation, l’un des lots de ce marché public a été attribué à la société CEGELEC. Toutefois, le juge du référé contractuel du tribunal administratif de Montpellier, saisi par un concurrent évincé, a annulé ce marché. La société CEGELEC qui n’a pas été retenue au nouvel appel offres lancé par le centre hospitalier a sollicité devant le juge administratif l’indemnisation du préjudice subi du fait de la perte du contrat dont elle avait été titulaire. Par un arrêt du 12 octobre 2015, attaqué par la société CEGELEC, la Cour administrative d’appel de Marseille a fixé son indemnisation aux seuls frais de présentation de l’offre.

Complétant les principes dégagés dans sa décision « Société Decaux » (CE 10 avril 2008, Société Decaux, req. n°244950, au Recueil), le Conseil d’État juge que « Considérant que l’entrepreneur dont le contrat est écarté peut prétendre, y compris en cas d’annulation du contrat par le juge du référé contractuel, sur un terrain quasi‑contractuel, au remboursement de celles de ses dépenses qui ont été utiles à la collectivité envers laquelle il s’était engagé ; que les fautes éventuellement commises par l’intéressé antérieurement à la signature du contrat sont sans incidence sur son droit à indemnisation au titre de l’enrichissement sans cause de la collectivité, sauf si le contrat a été obtenu dans des conditions de nature à vicier le consentement de l’administration, ce qui fait obstacle à l’exercice d’une telle action ; que dans le cas où le contrat est écarté en raison d’une faute de l’administration, l’entrepreneur peut en outre, sous réserve du partage de responsabilités découlant le cas échéant de ses propres fautes, prétendre à la réparation du dommage imputable à la faute de l’administration ; qu’à ce titre il peut demander le paiement des sommes correspondant aux autres dépenses exposées par lui pour l’exécution du contrat et aux gains dont il a été effectivement privé du fait de sa non-application, notamment du bénéfice auquel il pouvait prétendre, si toutefois l’indemnité à laquelle il a droit sur un terrain quasi-contractuel ne lui assure pas déjà une rémunération supérieure à celle que l’exécution du contrat lui aurait procurée ; que, saisi d’une demande d’indemnité sur ce fondement, il appartient au juge d’apprécier si le préjudice allégué présente un caractère certain et s’il existe un lien de causalité direct entre la faute de l’administration et le préjudice ».

Le Conseil d’État apporte deux précisions utiles.

Premièrement, l’entrepreneur peut prétendre à une indemnisation y compris lorsque le contrat auquel il était partie a été écarté par le juge du référé contractuel. Et cette solution est logique dès lors que cette procédure, à l’inverse du référé précontractuel, est dirigée contre un contrat déjà signé.

Deuxièmement, le Conseil d’État rappelle qu’une telle demande d’indemnisation demeure régie par les règles du droit commun de la responsabilité. Autrement dit, si l’entrepreneur dont le contrat est annulé ne peut prétendre dans le cas où l’annulation résulte d’une faute de l’administration, à la réparation du dommage imputable à la faute de celle-ci, c’est sous réserve du caractère certain de son préjudice et de l’existence d’un lien de causalité direct entre la faute de l’administration et celui-ci.

Or, en l’espèce c’est bien le lien de causalité qui fait défaut. En effet, les manquements aux règles de passation commis par le pouvoir adjudicateur qui ont justifié l’annulation du contrat, ont eu une incidence déterminante sur l’attribution du marché à la société Cégelec. Autrement dit, sans cette illégalité, l’attribution du contrat à la société Cégelec serait grevée d’une incertitude. Partant, la société Cégelec ne peut donc faire valoir l’existence d’un lien de causalité directe entre son préjudice et la faute de l’administration.

CE 6 octobre 2017, Société Cégelec, req. n° 395268, au Recueil

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