Schéma de distribution d’eau potable : principes et limites de l’obligation de raccordement au réseau des collectivités locales
Par une décision en date du 26 janvier 2021, qui sera publié au Recueil Lebon, le Conseil d’Etat est venu apporter d’utiles précisions quant au champ d’application des schémas de distribution d’eau potable prévus par la loi du 30 décembre 2006.
Rappelons qu’en vertu de l’article L. 2224-7-1 du CGCT, issu de la loi du 30 décembre 2006, les communes « arrêtent un schéma de distribution d’eau potable déterminant les zones desservies par le réseau de distribution ». En application de cette disposition, dont la rédaction diffère de l’article L. 2224-10 du CGCT prévoyant que les collectivités sont « tenues d’assurer la collecte des eaux usées domestiques » dans les zones qu’elles ont délimité, le juge administratif en avait déduit qu’aucune obligation de raccordement au réseau de distribution d’eau potable n’était imputable aux collectivités (CAA Marseille 24 mai 2017, M. D. E. c/ Commune de Vendres, req. n°15MA02294 ; CAA Marseille 7 janvier 2019, M. G. F. et autres c/ commune de Verreries-de-Moussans, req. n°16MA01345).
Saisi d’un pourvoi en contestation d’un arrêt de la Cour administrative d’appel de Lyon ayant présenté une analyse similaire (CAA Lyon, 9 avril 2019, Commune de Portes en Valdaine, req. n°18LY02668), le Conseil d’Etat s’est appuyé sur les travaux parlementaires de la loi du 30 décembre 2006 pour adopter une conception élargie des fonctions du schéma de distribution d’eau potable, jugeant que « il appartient aux communes ou aux établissements publics de coopération intercommunale compétents de délimiter, dans le respect du principe d’égalité devant le service public, les zones de desserte dans lesquelles ils sont tenus, tant qu’ils n’en ont pas modifié les délimitations, de faire droit aux demandes de réalisation de travaux de raccordement, dans un délai raisonnable, pour toutes les propriétés qui ont fait l’objet des autorisations et agréments visés à l’article L. 111-12 du code de l’urbanisme ».
En l’espèce, deux habitants de la commune de Portes en Valdaine avaient demandé le raccordement de leur habitation à la commune gestionnaire du réseau d’eau potable, conformément au schéma de distribution d’eau potable applicable sur le territoire de la commune. En raison du refus répété de la collectivité, les habitants ont saisi le tribunal administratif dont la décision, enjoignant au maire d’autoriser le raccordement, a été annulé par la Cour administrative d’appel de Lyon. Estimant que le schéma de distribution d’eau potable impose à la collectivité d’effectuer les raccordements réclamés dans sa zone d’application, le Conseil d’Etat apporte trois précisions à ce régime.
D’abord, si la commune est tenue de réaliser les travaux de raccordement dans les zones identifiées comme étant desservies par le réseau, elle conserve un large pouvoir d’appréciation dans la définition desdites zones.
Ensuite, le Conseil d’État confère à la collectivité un « délai raisonnable » dans lequel les travaux de raccordement doivent être réalisés. Ce délai « doit s’apprécier au regard, notamment, du coût et de la difficulté technique des travaux d’extension du réseau de distribution d’eau potable et des modalités envisageables de financement des travaux ».
Enfin, le Conseil d’Etat délimite les modalités de raccordement au réseau d’ouvrages situés en dehors des zones du schéma de distribution. La collectivité dispose, dans ce cadre, d’une liberté d’appréciation importante de l’opportunité de raccorder au réseau « dans le respect du principe d’égalité devant le service public, en fonction, notamment, de leur coût, de l’intérêt public et des conditions d’accès à d’autres sources d’alimentation en eau potable ». Pour de telles décisions, le juge de l’excès de pouvoir limite alors son contrôle à la seule erreur manifeste d’appréciation.
CE 26 janvier 2021, M. B. A c/ Commune de Portes-en-Valdaine, req. n°431494