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Suspension légale d’un agent et responsabilité sans faute de l’administration

30 juin 2017

Par un arrêt du 8 juin 2017, mentionné aux Tables, le Conseil d’État a précisé les conditions dans lesquelles la suspension légale d’un agent pouvait justifier l’engagement de la responsabilité sans faute de l’administration.

En l’espèce, à la suite d’une inspection diligentée par l’agence régionale d’hospitalisation, un chirurgien avait été suspendu de ses fonctions par une décision du ministre de l’emploi et de la solidarité du 6 avril 2000 et une procédure disciplinaire avait été engagée. Après sa mise en examen le 19 avril 2000 pour des chefs d’homicide involontaire, blessures involontaires et non-assistance à personne en danger, la suspension du chirurgien avait été prolongée pour toute la durée de la procédure pénale. Suite à sa relaxe définitive en date du 13 mai 2008, les décisions de suspension et de prolongation ont été abrogées et le chirurgien réintégré dans ses fonctions, d’abord dans une position de recherche d’affectation puis en surnombre dans son centre hospitalier d’origine.

Le chirurgien, son épouse et ses enfants ont alors recherché la responsabilité de l’État en raison des préjudices subis du fait de sa suspension prolongée pendant huit ans puis de l’absence prolongée d’affectation sur un emploi correspondant à son grade. Le tribunal administratif de Paris a d’abord exclu toute faute au titre de la suspension mais a ensuite condamné l’État à leur verser 21 000 euros en raison d’une faute tenant à ne pas avoir mis en œuvre les moyens nécessaires pour lui permettre de retrouver une activité professionnelle. Les intéressés se sont pourvus en cassation contre l’arrêt de la cour administrative d’appel de Paris rejetant leur appel.

Le Conseil d’Etat juge d’abord que l’État n’a commis aucune faute en adoptant la décision de suspension puis en la prolongeant dès lors que la gravité des faits fondant les poursuites le justifiait. En revanche, contrairement à la cour administrative d’appel, il juge qu’est engagée la responsabilité sans faute de l’État sur le fondement de la rupture d’égalité devant les charges publiques. En effet, conformément à une jurisprudence constante, cette responsabilité est engagée dès lors qu’une mesure légale entraine un préjudice grave et spécial pour une personne. Tel était bien le cas en l’espèce : si la perte de rémunération tirée des gardes et astreintes et de l’activité libérale ne remplit pas ces critères, il en va différemment de la diminution difficilement remédiable des compétences chirurgicales due une suspension pendant huit ans compromettant ainsi la possibilité de reprendre une activité de chirurgien. Cette charge ne pouvait d’ailleurs pas être considérée comme incombant normalement au chirurgien puisque celui-ci avait finalement été relaxé.

Ainsi, si les circonstances et les conséquences le justifient, une décision légale de suspension peut engager la responsabilité sans faute de l’administration.

Références

CE, 8 juin 2017, M. F, req. n°390424, mentionné aux Tables

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