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Tarifs réglementés du gaz : les dispositions du code de l’énergie sont contraires au droit de l’Union Européenne

26 juillet 2017

Par une décision d’Assemblée du 19 juillet 2017, rendue à l’occasion d’un recours dirigé contre le décret n° 2013-400 du 16 mai 2013, le Conseil d’Etat juge que les articles L. 445-1 à L. 445-4 du code de l’énergie relatifs aux tarifs règlementés du gaz sont contraires à l’article 3, paragraphe 2, de la directive n° 2009/73/CE du 13 juillet 2009 concernant les règles communes pour le marché intérieur du gaz naturel.

L’analyse menée par le Conseil d’État s’inscrit dans le prolongement de la décision de la Cour de justice de l’Union européenne rendue le 7 septembre 2016 (CJUE 7 sept. 2016, ANODE, aff. C-121/15), jugeant :

  • d’une part, que l’existence de tarifs règlementés constitue « une entrave à la réalisation d’un marché du gaz naturel concurrentiel prévue à cette disposition, et cette entrave subsiste alors même que cette intervention ne fait pas obstacle à ce que des offres concurrentes soient proposées à des prix inférieurs à ces tarifs par tous les fournisseurs sur le marché» ;
  • d’autre part qu’une telle entrave n’est admissible que « si, dans l’intérêt économique général, il y a lieu d’imposer aux entreprises intervenant dans le secteur du gaz des obligations de service public portant sur le prix de fourniture du gaz naturel afin, notamment, d’assurer la sécurité de l’approvisionnement et la cohésion territoriale, sous réserve que, d’une part, toutes les conditions que l’article 3, paragraphe 2, de cette directive énonce, et spécifiquement le caractère non discriminatoire de telles obligations, soient satisfaites et, d’autre part, que l’imposition de ces obligations respecte le principe de proportionnalité. ».

Le Conseil d’État entreprend donc de vérifier que les tarifs règlementés instaurés par le code de l’énergie respectent les trois conditions énoncées par la CJUE dans ce second point et relève l’absence d’intérêt économique général justifiant de telles mesures ; le tout après avoir écarté les trois arguments avancés par l’État.

Tout d’abord, il écarte le motif tiré de la sécurité de l’approvisionnement en gaz de la France, dans la mesure où les missions imposées à l’opérateur historique ne sont pas suffisantes pour remplir un tel objectif. Ensuite, il écarte l’argument tiré de la cohésion territoriale après avoir constaté qu’il existe, en dépit du dispositif en place, de fortes disparités tarifaires entre les différentes zones du territoire. Enfin, il relève que « les dispositions législatives contestées ne peuvent pas être regardées comme visant à garantir un prix raisonnable de la fourniture du gaz puisqu’elles prévoient la couverture de l’ensemble des coûts supportés par les fournisseurs historiques, quel que soit leur niveau, et qu’elles s’appliquent de manière permanente, et non pendant les seules périodes durant lesquelles ce prix serait excessif. ».

Dès lors, « les dispositions législatives du code de l’énergie contestées sont incompatibles avec les objectifs poursuivis par la directive 2009/73/CE, sans qu’il soit besoin de s’interroger sur le caractère proportionné de la règlementation qu’elles prévoient. Il suit de là que ces dispositions ne pouvaient, sans méconnaître les objectifs de cette directive, servir de base légale au décret attaqué ».

Le décret ayant été abrogé avec effet au 30 décembre 2015, il n’était nul besoin de moduler les effets de la décision pour l’avenir. En revanche, comme le permet le droit de l’Union européenne (CJUE 28 juillet 2016, Association France Nature Environnement, aff. C-379/15), « eu égard aux incertitudes graves qu’une annulation rétroactive ferait naître sur la situation contractuelle passée de plusieurs millions de consommateurs et de la nécessité impérieuse de prévenir l’atteinte au principe de sécurité juridique qui en résulterait, il y a lieu de prévoir, à titre exceptionnel, que les effets produits par le décret attaqué sont, sous réserve des actions contentieuses déjà engagées à la date de la présente décision, regardés comme définitifs ».

CE Ass. 19 juillet 2017, ANODE, req. n° 370321

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