Une collectivité locale ne peut pas octroyer à une entreprise d’exploitation cinématographique une subvention pour la soutenir dans l’ouverture de nouvelles salles de cinéma
Par une décision en date du 10 mars 2021, le Conseil d’Etat a jugé que les collectivités territoriales ne pouvaient pas subventionner la création de nouvelles salles de cinéma.
En l’espèce, une entreprise d’exploitation cinématographique avait demandé l’annulation de la délibération et de la convention d’une commune attribuant le versement d’une subvention à une entreprise concurrente pour la création de nouvelles salles de cinéma.
Pour la première fois, le Conseil d’Etat a statué sur la légalité d’une telle subvention au regard de l’interprétation des conditions d’octroi des aides dites « Le Sueur », introduites par la loi n° 92-651 du 13 juillet 1992 et codifiées à l’article L. 2251-4 du code général des collectivités territoriales, aux termes duquel : « La commune peut attribuer des subventions à des entreprises existantes ayant pour objet l’exploitation de salles de spectacle cinématographique (…). Ces subventions ne peuvent être attribuées qu’aux établissements qui, quel que soit le nombre de leurs salles, réalisent en moyenne hebdomadaire moins de 7 500 entrées ou qui font l’objet d’un classement art et essai dans des conditions fixées par décret ».
Si ces dispositions conditionnent l’octroi d’une subvention à une entreprise existante pour l’exploitation d’une salle de spectacle, elles n’apportaient pas de précision quant à l’unique possibilité pour les communes de subventionner les établissements existants.
Le Tribunal administratif de Pau a rejeté la demande d’annulation de la délibération et de la convention et adopté une interprétation extensive de l’article L. 2251-4 du code général des collectivités territoriales, en considérant que les communes pouvaient subventionner le projet de création d’un nouvel établissement de spectacle cinématographique. D’abord saisi d’une demande d’avis par la Cour administrative d’appel de Bordeaux, le Conseil d’Etat a jugé qu’une convention attribuant une subvention revêtait le caractère d’acte unilatéral et qu’elle pouvait être contestée par la voie du recours pour excès de pouvoir. La Cour administrative d’appel a ensuite, par la voie de l’évocation, rejetée la demande d’annulation de la société requérante au fond, en considérant que le conseil municipal pouvait légalement accorder à une entreprise existante des subventions en faveur de la création de nouvelles salles de cinémas.
Le Conseil d’Etat n’a pas retenu cette lecture et a privilégié une interprétation littérale et restrictive de l’article L. 2251-4 du CGCT, en s’appuyant sur les travaux parlementaires de la loi n° 92-651 du 13 juillet 1992. Ainsi, pour la Haute juridiction, il résulte des dispositions de l’article L. 2251-4 du code général des collectivités territoriales « qu’une commune ne peut attribuer de subvention en vertu de ces dispositions qu’à un établissement de spectacle cinématographique qui réalise, à la date de la demande de subvention, quel que soit le nombre de ses salles, moins de 7 500 entrées en moyenne hebdomadaire ou qui a déjà fait l’objet, à la même date, d’un classement art et essai. Une telle subvention ne peut, en revanche, être attribuée pour permettre la création, par une entreprise existante ayant pour objet l’exploitation de salles de spectacle cinématographique, d’un nouvel établissement de spectacle cinématographique. ».
Cette décision précise donc le périmètre des subventions octroyées par les collectivités territoriales aux salles de cinéma.
CE 10 mars 2021, Société Le Royal Cinéma et M. R, req. n°434564