Le projet de loi relatif à l’engagement dans la vie locale et à la proximité de l’action publique passé au crible du Conseil d’Etat
Conformément à l’article 39 de la Constitution du 4 octobre 1958, le processus d’adoption du projet de loi relatif à l’engagement dans la vie locale et à la proximité de l’action publique a finalement été engagé par le Gouvernement le 17 juillet 2019, à la suite de l’avis globalement favorable rendu par le Conseil d’Etat sur ce texte, le 15 juillet dernier.
Ainsi que le résume le Conseil d’État, « les dispositions du projet tendent notamment à conforter la place des maires et élus des communes dans l’intercommunalité, à donner davantage de libertés aux communes pour faire évoluer, si nécessaire, le périmètre des communautés de communes et des communautés d’agglomération, à renforcer les pouvoirs des maires, à alléger et simplifier un certain nombre de formalités pesant sur les communes et leurs établissements publics de coopération intercommunale et à faciliter les conditions d’exercice de leur mandat par les élus ».
Ce texte comprend donc quatre titres (Libertés locales : conforter chaque maire dans son intercommunalité ; Libertés locales : renforcer les pouvoirs de police du maire ; Libertés locales : simplifier le quotidien du maire ; Reconnaître aux élus un véritable cadre d’exercice de leur mandat) et 32 articles au total, qui ont été examinés par le Conseil d’Etat.
S’agissant tout d’abord du renforcement de la place du Maire et des élus des communes dans leurs intercommunalités, le Conseil d’État a donné un avis favorable sur l’ensemble des dispositions dédiées à ce premier thème, et notamment celles relatives au pacte de gouvernance prévu par le projet. Il est ainsi prévu qu’après chaque renouvellement général des conseils municipaux, le conseil communautaire devra débattre pour l’élaboration de ce pacte, qui pourra notamment prévoir l’institution d’un conseil des maires, des commissions spécialisées associant les maires et des conférences territoriales des maires. De même qu’il pourra également y être prévu les conditions dans lesquelles un maire pourra, par délégation de l’EPCI à fiscalité propre, décider de certaines dépenses courantes. Ce pacte devra, le cas échéant, être adopté dans un délai de six mois, celui de trois mois antérieurement prévu ayant été jugé trop court par le Conseil d’Etat.
De manière générale, il ressort de cet avis une appréciation positive de ce nouveau dispositif, qui apparait « de nature à permettre une meilleure association des maires aux travaux de l’intercommunalité et à remédier au sentiment de dévitalisation de leur mandat », sans que ces conseils, commissions et conférences n’empiètent pour autant sur les compétences des instances légales des EPCI à fiscalité propre.
Ce texte prévoit ensuite d’ouvrir à nouveau la possibilité de faire jouer une minorité de blocage jusqu’au 1er janvier 2020, dans les communautés de communes qui n’exerçaient pas au 5 août 2018 la compétence dans le domaine de l’eau ou de l’assainissement ou aucune de ces deux compétences ainsi qu’à celles ayant pris seulement une partie de la compétence eau ou de la compétence assainissement à cette date, permettant ainsi de reporter l’attribution de ces compétences, dont l’exercice a été rendu obligatoire par la loi n° 2015-9991 du 7 août 2015 portant une nouvelle organisation de la République.
Si le principe même de ce dispositif a été validé par le Conseil d’Etat, celui-ci invite à écarter la disposition validant les délibérations des communes qui auraient pour objet de bloquer tout ou partie du transfert de compétences entre le 2 juillet 2019 et la promulgation de la loi dans les communautés de communes qui n’exerçaient pas au 5 août 2018 les compétences dans le domaine de l’eau et de l’assainissement en tout ou en partie, en considérant que cette validation ne répondait à aucun motif d’intérêt général identifié, en méconnaissance des conditions exigées par le Conseil Constitutionnel pour admettre la conformité à la Constitution des validations législatives. Le Conseil d’État proposait d’insérer en lieu et place de cette validation, une disposition prévoyant que toutes les délibérations prises avant le 1er janvier 2020 dans les conditions requises au premier alinéa de l’article 1 de la loi n° 2018-702 ayant pour objet de s’opposer au transfert des compétences relatives à l’eau ou à l’assainissement, de l’une d’entre elles ou d’une partie d’entre elles, ont pour effet de reporter le transfert de compétence au 1er janvier 2026. Cette position a été reprise par le Gouvernement dans son projet de loi.
Au sujet du périmètre des EPCI à fiscalité propre, le Conseil d’État a ensuite donné un avis favorable à la suppression de l’obligation de réviser tous les dix ans les schémas départementaux de coopération intercommunale. En revanche, la suppression de la procédure de révision de ces schémas mise en œuvre par les préfets a été critiquée, puisque, in fine, ceux-ci ne seraient plus susceptibles d’évoluer qu’à l’initiative des collectivités territoriales, dans un certain nombre de situations, tels que le retrait d’une commune d’une communauté de communes ou d’une communauté d’agglomération ou à la suite de la division d’un EPCI. Le Conseil d’État a proposé de maintenir dans la loi la possibilité de la révision de ces schémas, selon une procédure identique à celle prévue pour leur élaboration ; préconisation suivie par le Gouvernement, qui l’a intégrée à l’article 8 de son projet.
Toujours sur cette même thématique, le Conseil d’État a également approuvé l’extension aux communautés d’agglomération la procédure de retrait d’une commune (jusqu’alors seulement permise pour les communautés de communes) ainsi que les dispositions autorisant une division de communautés de communes ou de communauté d’agglomération.
Par ailleurs, en matière de commande publique, le Conseil d’État a souscrit à la possibilité prévue au bénéfice des EPCI à fiscalité propre de passer des marchés publics pour le compte d’un groupement de commandes composé de communes membres, quelles que soient les compétences qui lui ont été transférées, tout en préconisant toutefois de préciser, afin de dissiper toute ambigüité, que l’EPCI ne pourra ainsi intervenir que pour le compte de ses seules communes membres.
Le Conseil d’État a également approuvé l’institution proposée par le Gouvernement, d’une demande de prise de position formelle des collectivités auprès du préfet relative à la mise en œuvre d’une disposition législative ou réglementaire régissant l’exercice de leurs compétences ou les prérogatives dévolues à leurs exécutifs. En substance, il est prévu que si la décision est conforme à la prise de position formelle de l’État, son représentant ne pourra, sauf changement de circonstances, la déférer devant le juge administratif au titre du contrôle de légalité. Cependant, il restera toujours loisible au représentant de l’État de déférer l’acte en cause pour des motifs de droit sur lesquels il n’aura pas pris position. Enfin, par dérogation à la règle selon laquelle « silence vaut acceptation », le silence gardé par le représentant de l’État passé un délai de quatre mois vaudra absence de prise de position formelle et n’ouvrira donc à la collectivité aucune faculté d’opposer à l’État un acquiescement tacite, contrairement à ce qui prévaut dans des procédures de rescrit.
Enfin, dernière disposition ayant fait l’objet de développements particuliers dans le cadre de cet avis : l’obligation faite à chaque commune de souscrire une assurance pour couvrir les coûts liés à ses obligations en matière de protection fonctionnelle à l’égard du maire. Si le Conseil d’État a approuvé le principe juridique de cette disposition, il a cependant suggéré de l’étendre à l’élu municipal, au suppléant ou au titulaire de la délégation, sans que cette proposition n’ait été reprise dans le projet de loi.
Ce projet de loi, actuellement en lecture devant le Sénat, devrait cependant rapidement être amendé.