Autorisation d’accéder aux archives du président Mitterrand sur le Rwanda
Par un arrêt du 12 juin 2020, l’Assemblée du contentieux du Conseil d’Etat a autorisé un chercheur, auquel l’accès aux archives présidentielles sur les évènements liés au génocide perpétrés au Rwanda en 1994 avait été refusé, à consulter ces archives avant la date fixée par le protocole.
Ces archives n’étaient plus couvertes par le secret défense depuis la déclassification décidée par le secrétaire général de la présidence de la République en 2015.
L’article L. 213-4 du code du patrimoine, modifié par la loi n° 2008-696 du 15 juillet 2008 relative aux archives, prévoit une exception pour les archives du Président de la République, du Premier ministre et des autres membres du Gouvernement, consacrant la pratique des protocoles de remises consistant en la désignation d’un mandataire compétent pour autoriser ou non la consultation des archives.
En l’espèce, le requérant avait demandé au mandataire la consultation des archives du président Mitterrand sur le Rwanda. Liée par le refus de celui-ci, la ministre de la culture a rejeté la demande du requérant tendant à accéder aux archives.
Saisi du refus, le Conseil d’Etat précise tout d’abord qu’en adoptant l’article L. 213-4 précité, tout comme l’a jugé le Conseil constitutionnel en 2017, le législateur a entendu favoriser la conservation et le versement des archives en leur accordant une protection particulière. Il précise que ces dispositions légales « doivent être, d’une part, interprétées conformément à l’article 15 de la Déclaration du 26 août 1789 qui garantit, ainsi que l’a jugé le Conseil constitutionnel dans sa décision du 15 septembre 2017 précitée, le droit d’accès aux documents d’archives publiques et, d’autre part, appliquées à la lumière des exigences attachées au respect de l’article 10 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales relatif à la liberté d’expression duquel peut résulter, à certaines conditions, un droit d’accès à des informations détenues par l’État ».
Après avoir précisé que « l’autorisation de consultation anticipée des documents d’archives publiques est accordée aux personnes qui en font la demande dans la mesure où l’intérêt qui s’attache à la consultation de ces documents ne conduit pas à porter une atteinte excessive aux intérêts que la loi a entendu protéger, en particulier le secret des délibérations du pouvoir exécutif, la conduite des relations extérieures et les intérêts fondamentaux de l’État dans la conduite de la politique extérieure », le Conseil d’État consacre de nouveaux pouvoirs au juge de l’excès de pouvoir, considérant qu’il lui appartient de contrôler, « par un entier contrôle », la régularité et le bien-fondé d’une décision de refus de consultation anticipée du ministre de la culture.
Le Conseil d’Etat précise également que l’appréciation portée par le juge de l’excès de pouvoir est soumise, devant le juge de cassation, au contrôle de qualification juridique des faits.
Et en l’espèce, réglant l’affaire au fond en opérant une mise en balance des intérêts en présence, le Conseil d’Etat, qui considère que l’intérêt légitime du demandeur doit être apprécié au vu de la démarche qu’il entreprend et du but qu’il poursuit en sollicitant la consultation anticipée d’archives, de la nature des documents en cause ainsi que des informations qu’ils comportent, juge que l’intérêt légitime du requérant est ici de nature à justifier l’accès aux archives du président Mitterrand, sans qu’il en découle une atteinte excessive aux intérêts que la loi entend protéger.
CE, Assemblée, 12 juin 2020, M. François G., req. n° 422327, Publié au Recueil Lebon