La mise à disposition d’un local relevant du domaine privé de la commune : compétence du maire pour mettre fin au contrat de prêt à usage
Afin de reprendre les bureaux mis à disposition d’une union locale syndicale, sans contrat écrit, dans un immeuble appartenant à son domaine privé, une commune lui a notifié un congé. Par acte du 10 juillet 2017, elle l’a assignée en expulsion.
La cour d’appel de Toulouse a fait droit à cette demande en retenant que le maire de la commune était compétent pour mettre fin au contrat de prêt à usage par application de l’article L. 2144-3 du Code général des collectivités territoriales (anciennement art. L. 2143-3 du même Code). Cette solution était conforme à la jurisprudence de la Cour de cassation.
En effet, cette dernière jugeait déjà qu’une commune pouvait légalement révoquer ces prêts de locaux de son domaine privé à titre gracieux (Civ. 1e, 3 juin 2010, pourvoi no 09‑14.633, Bull. civ. no 127, AJDA 2014.1008). Et, selon l’article L. 2144-3 susvisé, le « maire détermine les conditions dans lesquelles ces locaux peuvent être utilisés, compte tenu des nécessités de l’administration des propriétés communales, du fonctionnement des services et du maintien de l’ordre public ». Aussi la Haute juridiction avait-elle considéré, sans être contredite par le Conseil d’État qui avait relevé que les dispositions précitées permettaient à une commune d’autoriser l’utilisation d’un local qui lui appartient (CA Ass., 19 juillet 2011, Commune de Montpellier, no 313518) sans pour autant se prononcer sur la nature domaniale de ce local, que l’article L. 2144-3 ne distinguait pas selon la domanialité de ces locaux (Civ. 1e, 13 mai 2014, pourvoi no 12-16.784, Bull. civ. no 80).
Mais la cour d’appel de Toulouse n’avait pas tenu compte de la décision postérieure par laquelle le Conseil d’État avait précisé que sont regardés comme des locaux communaux, au sens et pour l’application des dispositions de ce texte, les locaux affectés aux services publics communaux (CE, 7 mars 2019, Commune de Valbonne, no 417629).
Par un arrêt du 20 janvier 2021, la Cour de cassation opère un revirement de jurisprudence et censure l’arrêt d’appel à double titre.
Premièrement, elle décide d’harmoniser l’interprétation de l’article L. 2144-3 : « le fait qu’un local mis à disposition appartienne au domaine privé de la commune ne permet pas de le regarder comme un local communal au sens et pour l’application des dispositions de l’article L. 2144-3, de sorte que sont applicables à la mise à disposition d’un tel local les dispositions des articles L. 2122-21 et suivants relatives aux attributions du maire exercées au nom de la commune ».
Deuxièmement, et sans surprise cette fois, elle reproche à la cour d’appel d’avoir retenu que le maire était compétent pour mettre fin au contrat de prêt au prix d’une dénaturation d’une délibération du conseil municipal qui énonçait que le maire pouvait « intenter au nom de la commune les actions en justice ou défendre la commune dans les actions intentées contre elle, et en particulier : (…) – le contentieux en matière de baux, mises à disposition de meubles ou immeubles ». En effet, cette délibération se bornait à autoriser le maire à ester en justice.
Les communes devront à présent s’assurer de respecter les dispositions des articles L. 2122-21 et suivants du Code général des collectivités territoriales en cas de mise à disposition d’un local relevant de leur domaine privé.
Cass. civ. 1e, 20 janvier 2021, pourvoi no 19-24.296, Publié au Bulletin