Le périmètre de l’obligation d’usage paisible des locaux loués élargi aux préposés du bailleur
À la suite de la condamnation pénale pour violences exercées par le fils mineur d’une locataire sur ses agents, un Office public de l’habitat (OPH) a décidé de les reloger dans un appartement situé sur une autre commune. Quelques années plus tard, le fils, devenu majeur, a commis, sur le territoire du premier logement, de nouvelles violences pénalement sanctionnées à l’encontre des employés du bailleur.
L’OPH a alors assigné la locataire en résiliation du bail pour manquement à l’usage paisible des lieux. Par un arrêt du 30 janvier 2018, la cour d’appel de Lyon confirme la résiliation du bail prononcée par les premiers juges.
Cette décision permet certes de rappeler l’obligation essentielle incombant au preneur d’user paisiblement des locaux loués suivant la destination qui leur a été donnée (Code civil, art. 1729 ; Loi no 89-642 du 6 juillet 1989, art. 7, b). La solution retenue par les juges du fond n’était toutefois pas évidente puisqu’au cas d’espèce l’auteur du trouble avait réitéré ses violences sur le territoire d’une commune différente de celle de l’appartement donné à bail.
En effet, s’il était acquis que le locataire est responsable des actes commis par les personnes qu’il héberge, y compris à l’égard d’enfants majeurs échappant à l’autorité parentale (Civ. 3e, 10 novembre 2009, pourvoi no 09‑11.027, Bull. civ. no 244), la Cour de cassation jugeait que la résiliation ne pouvait être prononcée que si était établie l’existence d’un lien entre les troubles constatés et un manquement à l’obligation pour le preneur d’user paisiblement de la chose louée et de ses accessoires (Civ. 3e, 14 octobre 2009, pourvois nos 08-16.955 et 08-12.744, Bull. civ. no 221). Et la Haute juridiction avait précédemment censuré un arrêt ayant prononcé la résiliation du bail aux motifs que les propos grossiers et racistes de la locataire n’avaient pas été adressés directement à la bailleresse, mais à son mandataire (Civ. 3e, 17 septembre 2008, pourvoi no 07-13.175).
Néanmoins, la Cour de cassation approuve la cour d’appel en jugeant que celle-ci avait « retenu à bon droit que les violences commises par le fils de Mme T à l’encontre des employés du bailleur et réitérées après une première condamnation pénale constituaient des manquements à l’obligation d’usage paisible des lieux incombant au preneur et aux personnes vivant sous son toit et que le lieu de commission des violences importait peu dès lors que les victimes étaient des agents du bailleur » (Civ. 3e, 17 décembre 2020, pourvoi no 18-24.823).
Cette solution a pu être désapprouvée en raison de sa dimension morale : il pouvait être difficilement reproché au preneur de ne pas être intervenu dans une situation où il ne disposait d’aucune emprise sur le comportement de la personne hébergée, d’autant plus qu’en l’espèce les employés de l’OPH n’intervenaient pas sur le bâtiment de l’appartement loué (V. ZALEWSKI-SICARD, « Violence et résiliation du bail », Revue des loyers, no 1014, 1er février 2014). D’autres auteurs ont souligné le mouvement jurisprudentiel délaissant le critère géographique pour le remplacer par les critères de gravité et de répétition du comportement répréhensible (M. HERVIEU, « Violences commises par le fils d’une locataire : résiliation judiciaire du bail », Dalloz Étudiants, 28 janvier 2021 ; S. ANDJECHAÏRI-TRIBILLAC, « Violences commises par le fils majeur du locataire : résiliation du bail », Dalloz actualité, 13 janvier 2021). Cette analyse est ici confortée.
Il convient ainsi de retenir que les violences réitérées exercées à l’encontre des préposés du bailleur constituent un manquement à l’obligation de jouissance paisible des lieux loués incombant au preneur et aux personnes vivant sous son toit susceptibles de justifier la résiliation du bail, peu important le lieu où ces actes ont été commis.
Civ. 3e, 17 décembre 2020, pourvoi no 18-24.823, Publié au Bulletin