Refus de « danthonyser » le vice tiré de l’absence de l’assesseur extérieur au sein de la commission de discipline pénitentiaire
Par un arrêt en date du 5 février 2021, le Conseil d’Etat juge que la présence dans la commission de discipline d’un assesseur choisi parmi des personnes extérieures à l’administration pénitentiaire, alors même qu’il ne dispose que d’une voix consultative, constitue une garantie reconnue au détenu, dont la privation est de nature à vicier la procédure.
En l’espèce, la commission de discipline de la maison d’arrêt de Fleury-Mérogis avait infligé à un détenu une sanction de vingt jours de cellule disciplinaire, assortie d’un déclassement de son emploi, liée à l’introduction et la possession de multiples objets interdits en détention. Le recours administratif préalable formé contre cette sanction par l’intéressé a été rejeté par le directeur interrégional des services pénitentiaires de Paris.
La commission de discipline ayant infligé la sanction était composée de la cheffe de détention comme présidente de la commission et d’un représentant du personnel de surveillance.
Or, depuis l’entrée en vigueur de la loi pénitentiaire n° 2009-1436 du 24 novembre 2009 et le décret n° 2010-1634 du 23 décembre 2010 portant application de la loi pénitentiaire, la commission de discipline doit comprendre le chef d’établissement ou son délégataire, aux termes de l’article R. 57-7-6 du code de procédure pénale, toujours président, un assesseur choisi parmi les membres du premier ou du deuxième grade du corps d’encadrement et d’application du personnel de surveillance de l’établissement et un assesseur choisi parmi des personnes extérieures à l’administration pénitentiaire, qui manifestent un intérêt pour les questions relatives au fonctionnement des établissements pénitentiaires et qui sont habilitées à cette fin par le président du tribunal judiciaire territorialement compétent selon l’article 57-7-8 du même code.
Le requérant a donc contesté, d’abord par la voie d’un recours administratif préalable puis devant le tribunal administratif de Versailles, la régularité de la procédure et la légalité de la sanction prononcée, en l’absence de l’assesseur extérieur. Alors que le tribunal administratif de Versailles avait annulé cette décision au motif de l’irrégularité de la composition de la commission de discipline, la Cour administrative d’appel de Versailles a infirmé le jugement et confirmé les sanctions prononcées par la commission, jugeant qu’en l’espèce « l’administration pénitentiaire a régulièrement convoqué, par un courrier électronique (…), les onze assesseurs extérieurs habilités inscrits sur le tableau de roulement établi pour la période en cause », qu’« aucune des onze personnes convoquées n’a informé l’établissement de son indisponibilité pour cette séance de la commission de discipline » et que « dans ces conditions, et alors que deux des trois membres de la commission ont régulièrement siégé, la circonstance qu’aucun des assesseurs extérieurs n’ait finalement déféré à la convocation est sans incidence sur la régularité de la procédure et n’obligeait pas le président de la commission à renvoyer celle-ci à une date ultérieure ».
Toutefois, le Conseil d’État censure l’analyse opérée par la Cour. Refusant de « danthonyser » un tel vice affectant la procédure prévue par le code de procédure pénale, le Conseil d’Etat juge que « la présence dans la commission de discipline d’un assesseur choisi parmi des personnes extérieures à l’administration pénitentiaire, alors même qu’il ne dispose que d’une voix consultative, constitue une garantie reconnue au détenu, dont la privation est de nature à vicier la procédure, alors même que la décision du directeur interrégional des services pénitentiaires, prise sur le recours administratif préalable obligatoire exercé par le détenu, se substitue à celle du président de la commission de discipline.»
Aussi, l’administration pénitentiaire doit tout faire pour s’assurer de la présence effective de cet assesseur, en vérifiant notamment en temps utile la disponibilité effective des personnes figurant sur le tableau de roulement prévu à l’article R. 57-7-12. Pour les juges, « si, malgré ses diligences, aucun assesseur extérieur n’est en mesure de siéger, la tenue de la commission de discipline doit être reportée à une date ultérieure, à moins qu’un tel report compromette manifestement le bon exercice du pouvoir disciplinaire. »
Dès lors, suivant son rapporteur public, le Conseil d’Etat considère qu’en jugeant que l’absence d’un assesseur extérieur lors de la réunion de la commission de discipline n’avait pas vicié la procédure, sans rechercher si l’administration avait mis en œuvre tous les moyens mis à sa disposition pour s’assurer de la présence effective de l’assesseur extérieur dans la commission et s’il existait un obstacle au report de la réunion, la Cour administrative d’appel a commis une erreur de droit.
CE, 5 février 2021, Ministère de la Justice, req. n° 434659, Mentionné aux Tables