Refus de suspendre le décret prescrivant aux préfets l’instauration d’un couvre-feu
Le juge des référés du Conseil d’Etat, dans une ordonnance du 23 octobre 2020, juge qu’au regard de la nette aggravation de la crise sanitaire, la mise en place d’un couvre-feu dans huit grandes métropoles ne peut être considérée comme manifestement dépourvue de caractère nécessaire.
Le Premier ministre, par décret du 16 octobre 2020, avait prescrit aux préfets de seize départements d’instaurer un couvre-feu entre 21h et 6h dans des zones qu’il leur incombe de définir. Une association et plusieurs requérants individuels ont demandé au Conseil d’Etat de suspendre cette mesure ou d’en limiter la portée, en restreignant sa plage horaire et en prévoyant de nouveaux motifs de dérogation.
Si les juges ont admis qu’une telle mesure d’interdiction de sortie de son domicile durant certaines heures constitue par nature, une atteinte à la liberté personnelle, ils ont néanmoins relevé que la circulation du virus sur le territoire métropolitain s’est amplifiée au cours des dernières semaines, et que la crise sanitaire s’aggrave nettement, en particulier dans les neuf métropoles des départements concernés et constaté qu’en l’état actuel des connaissances scientifiques, les contaminations surviennent, pour une grande part, dans les lieux privés.
Le Conseil d’Etat précise qu’une mesure de couvre-feu semble avoir montré son efficacité pour freiner la propagation du virus lors de sa mise en œuvre en Guyane en mars dernier.
Ainsi, pour en déduire que la disposition ne porte pas une atteinte manifestement illégale aux libertés fondamentales, le juge des référés relève que cette mesure, « qui est en outre assortie de nombreuses dérogations […], qui est nécessairement limitée dans le temps, ne pouvant être instituée que pendant l’état d’urgence sanitaire, […] et qui, en tout état de cause, revêt un caractère moins restrictif qu’un confinement, est une mesure qui, en l’état de l’instruction, ne peut être regardée comme étant manifestement dépourvue de caractère nécessaire. »
Le Conseil d’Etat rejette également la demande des requérants, à titre subsidiaire, de suspendre les dispositions du décret ne prévoyant pas de modulation de la plage horaire, notamment en faveur des clients des restaurants et des salles de spectacle ou en fonction des circonstances locales, eu égard à la difficulté de moduler les horaires d’interdiction de déplacement des personnes en dehors de leur résidence selon les zones géographiques concernées et aux risques que ferait courir une extension des motifs de dérogation.