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Approbation par la CEDH de la condamnation d’un élu local pour les commentaires incitant à la haine, publiés par des tiers sur son mur Facebook

11 septembre 2023

Par un arrêt en date du 15 mai 2023, la Cour européenne des droits de l’Homme approuve la condamnation prononcée par les juridictions françaises à l’encontre d’un élu local et candidat aux élections législatives, reprochant à ce dernier de ne pas avoir supprimé les commentaires incitant à la haine, publiés sous une publication de son mur Facebook.

Dans cette affaire, le requérant, qui gérait personnellement son compte Facebook ouvert au public, avait posté sur son mur, dans un contexte de campagne électorale, une publication concernant un élu membre d’un parti concurrent. Cette publication avait alors attiré les commentaires d’internautes, dont certains contenaient des propos incitant à la haine. Le requérant avait alors posté un message les invitant à « surveiller le contenu de [leurs] commentaires ». Une plainte avait été déposée à propos de ces faits.

Se posait ainsi la question de savoir si la responsabilité pénale de l’élu pouvait être engagée pour les propos litigieux émanant de tiers, tenus sous sa publication Facebook.

La Cour d’appel avait confirmé le jugement de première instance et condamné l’élu pour provocation à la haine ou à la violence à l’égard d’un groupe de personnes, en raison de leur origine ou de leur appartenance ou non‑appartenance à une ethnie, nation, race ou religion déterminée (article 24, alinéa 6, de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse). Les juges du fond avaient estimé qu’en tant que « producteur » d’un site de communication en ligne mettant à disposition du public des messages adressés par des internautes, le prévenu aurait dû retirer promptement les messages litigieux, conformément à l’article 93-3 de la loi n°82-652 du 29 juillet 1982 sur la communication audiovisuelle.

Le pourvoi en cassation de l’élu avait été rejeté par la haute juridiction, qui considérait que l’infraction reprochée était constituée (Cass., Crim., 17 mars 2015, 13-87.922).

Le requérant a donc engagé un ultime recours devant la Cour européenne des droits de l’Homme, en invoquant une violation de son droit à la liberté d’expression, garanti par l’article 10 de la Convention européenne des droits de l’Homme.

Saisie de ce litige, la Grande chambre de la Cour a estimé, à treize voix contre quatre, que les décisions des juridictions internes ne caractérisaient pas une violation du droit à la liberté d’expression.

La Cour a tout d’abord retenu que les commentaires litigieux étaient illicites (§177), nonobstant le contexte électoral et la volonté de leurs auteurs d’évoquer des problèmes locaux (§189).

Par ailleurs, la Cour a exposé qu’une vigilance accrue incombait aux personnalités qui utilisent les réseaux sociaux publiquement à des fins politiques. La Cour a ainsi conclu à une absence de violation de l’article 10 de la Convention :

« Les décisions des juridictions internes reposaient sur des motifs pertinents et suffisants, et ce tant au regard de la responsabilité du requérant, en sa qualité d’homme politique, pour les commentaires illicites publiés en période électorale sur le mur de son compte Facebook par des tiers, eux-mêmes identifiés et poursuivis comme complices, qu’en ce qui concerne sa condamnation pénale. Dès lors, l’ingérence litigieuse pouvait donc passer pour « nécessaire dans une société démocratique » » (§ 209).

CEDH, gr. ch., 15 mai 2023, Sanchez c/ France, req. n° 45581/15

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