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Diffamation envers un maire : rappel des critères de qualification du délit de l’article 31 sur la loi sur la presse

31 janvier 2016

L’article 31 de la loi sur la presse (loi du 29 juillet 1881) ne punit de peines particulières les diffamations dirigées contre les personnes revêtues des qualités qu’il énonce que lorsque ces diffamations, qui doivent s’apprécier d’après la nature du fait sur lequel elles portent, contiennent la critique d’actes de la fonction ou d’abus de la fonction, ou que la qualité ou la fonction de la personne visée a été soit le moyen d’accomplir le fait imputé, soit son support nécessaire (Cass. Crim. 15 déc. 2015, FS-P+B, n° 14-85.118).

L’article 29 de la loi sur la presse de 1881 définit la diffamation comme toute allégation ou imputation d’un fait qui porte atteinte à l’honneur ou à la considération de la personne ou du corps auquel le fait est imputé. L’article 31 sanctionne particulièrement « la diffamation commise par les mêmes moyens, à raison de leurs fonctions ou de leur qualité, envers un ou plusieurs membres du ministère, un ou plusieurs membres de l’une ou de l’autre Chambre, un fonctionnaire public, un dépositaire ou agent de l’autorité publique, un ministre de l’un des cultes salariés par l’État, un citoyen chargé d’un service ou d’un mandat public temporaire ou permanent, un juré ou un témoin, à raison de sa déposition ».

En l’espèce, le maire de la commune de Lège-Cap Ferret a fait poursuivre devant le tribunal correctionnel M. X…, du chef de diffamation publique envers un citoyen chargé d’un mandat public. Il lui était reproché d’avoir publiquement tenu les propos suivants : « fils de crapule, le maire est une crapule, il est où le maire que je l’étrangle, D… assassin, incendiaire, voleur, vous n’êtes que des merdes, des sous-merdes, retournez en Corse, il faut leur tirer dessus et ne pas être lâche comme en 40, il faut les dénoncer, il faut les étrangler ».

La Cour d’appel avait constaté que les propos litigieux s’inscrivaient dans un contentieux lourd et ancien entre les parties et faisaient référence à l’incendie d’un hangar appartenant au prévenu survenu quelques jours plus tôt et imputé à la partie civile condamné le prévenu.

La chambre criminelle casse et annule cet arrêt au triple visa des articles 29, 30 et 31 de la loi du 29 juillet 1881. Rappelant les conditions de caractérisation de la diffamation spéciale qui réprime spécialement les diffamations commises envers des personnes publiques « à raison de leurs fonctions ou de leur qualité », elle a estimé en espèce que « le fait imputé ne constituait ni un acte, ni un abus de la fonction du maire, et se trouvait dépourvu de tout lien avec ladite fonction, la diffamation ne concernant que le particulier ». Elle précise, en complément, que « ces diffamations […] doivent s’apprécier non d’après le mobile qui les ont inspirées ou le but recherché par leur auteur, mais d’après la nature du fait sur lequel elles portent ».

Or, l’imputation à la personne du maire d’un incendie ne le visait pas en sa qualité de maire mais en celle de simple particulier. Dès lors le délit de l’article 31 de la loi sur la presse ne peut être caractérisé.

Références : Cass. Crim. 15 déc. 2015, FS-P+B, pourvoi n° 14-85.118

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