Par sa décision en date du 12 avril 2017, Ligue nationale de Rugby, le Conseil d’État précise l’étendue des pouvoirs conférés aux fédérations en tant que délégataire d’une mission de service public administratif à l’égard des décisions prises par les Ligues pour la réglementation et la gestion d’une compétition dont l’organisation leur a été déléguée :
« 6. Considérant qu’en confiant, par les dispositions des articles L. 131-1 et suivants du code du sport, aux fédérations sportives ayant reçu délégation la mission d’organiser, à titre exclusif, des compétitions sur le territoire national, le législateur a chargé ces fédérations de l’exécution d’une mission de service public à caractère administratif ; qu’il incombe à chaque fédération délégataire d’exercer cette mission, en mettant en œuvre les prérogatives de puissance publique qui lui ont été conférées pour son accomplissement, soit en définissant elle-même les règles relatives à l’organisation des compétitions pour la discipline sportive pour laquelle elle a reçu délégation, soit, dans le cas où elle a créé, en vertu de l’article L. 132-1 du code du sport, une ligue professionnelle pour la représentation, la gestion et la coordination des activités sportives à caractère professionnel, en s’assurant que la ligue professionnelle fait usage des prérogatives qui lui sont subdéléguées pour fixer les règles régissant les compétitions qu’elle organise dans le respect de celles fixées par les statuts de la fédération et conformément à l’intérêt général de la discipline ;
7. Considérant que, dans le cas où l’organisation d’une compétition a été déléguée à une ligue professionnelle, la réglementation et la gestion de cette compétition relèvent, en vertu de l’article R. 132-12 du code du sport, de la seule compétence de la ligue ; que la fédération ne saurait intervenir dans la réglementation et la gestion de cette compétition et réformer, le cas échéant, les décisions prises par la ligue dans l’exercice de cette compétence, que si ces décisions sont contraires aux statuts de la fédération ou portent atteinte aux intérêts généraux dont la fédération a la charge ; que les conditions de mise en œuvre de ce pouvoir de réformation sont, ainsi que le prévoit l’article R. 132-15 du code du sport, précisées par la convention mentionnée à l’article R. 132-9 ; ».
À la lecture de ce considérant deux observations s’imposent.
D’une part, le service public confié aux fédérations sportives justifie les prérogatives dont elles disposent à l’égard des décisions prises par les ligues dans l’exercice de leur compétence. Cette prééminence avait déjà été mise en avant par la jurisprudence du Conseil d’État SASP Red Star FC en date du 3 février 2016. À cet égard, les conclusions du rapporteur public sous cette décision précisaient : « Ainsi, ce sont les fédérations qui ont reçu délégation pour organiser les compétitions nationales. Lorsqu’elles subdélèguent cette compétence à une ligue, il n’en reste pas moins qu’elle doit non seulement veiller au respect des règlements et statuts qu’elle a édictés, mais qu’elle doit aussi et toujours préserver les intérêts généraux dont elle a, bien que les ayant délégués, toujours la charge » (CE 3 février 2016, SASP Red Star FC, req. n° 391929). Cette prééminence transparait du reste à l’article R. 132-15 du Code du sport qui prévoit qu’une convention « précise les conditions dans lesquelles l’instance dirigeante de la fédération peut réformer les décisions arrêtées par les organes de la ligue professionnelle qui sont contraires aux statuts ou aux règlements de la fédération ».
D’autre part, en dépit des prérogatives qui leur sont reconnues, le Conseil d’État considère que les fédérations ne disposent que d’un pouvoir de réformation limité à l’égard des décisions prises par les ligues dans l’exercice de leur compétence. À cet égard, le Conseil d’État avait déjà jugé qu’une fédération pouvait exercer un pouvoir de réformation lorsque les décisions des ligues « seraient contraires aux statuts de la fédération ou porteraient atteinte aux intérêts généraux dont elle a la charge » et qu’il exerçait sur l’exercice de ce pouvoir un contrôle normal (CE 3 février 2016, SASP Red Star FC, req. n° 391929).
Mais dans la décision commentée le Conseil d’État confère un cadre plus précis à l’exercice du pouvoir de réformation en rappelant qu’en dehors des exceptions précitées le principe demeure que « la fédération ne saurait intervenir dans la réglementation et la gestion de cette compétition et réformer, le cas échéant, les décisions prises par la ligue dans l’exercice de cette compétence ».
Et en l’espèce le Conseil d’État juge qu’au vu de la situation exceptionnelle créée par l’annonce du projet de fusion de deux clubs professionnels de rugby, qui avait provoqué un mouvement de grève chez les joueurs concernés, la décision de report de deux matches du championnat de France de rugby prise par la Ligue nationale de rugby dans le cadre de la compétence d’organisation et de gestion du championnat qui lui a été déléguée, motivée par l’intérêt supérieur du rugby, tenant notamment au respect de l’équité sportive, ne paraît aucunement porter atteinte aux intérêts généraux dont la Fédération française de rugby a la charge
Références