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Les contrôles au faciès : mise en cause du service public de la justice

01 décembre 2016

Les conditions dans lesquelles les officiers de police judiciaire et, sous leur contrôle les agents de police judiciaire, peuvent recourir aux contrôles d’identité sont détaillées à l’article 78-2 du code de procédure pénale. Ces contrôles exercés par les personnes habilitées constituent une action de police judiciaire qui relève du domaine du service public de la justice et sont par conséquent susceptibles d’engager la responsabilité de l’administration. L’article L. 141-1 du Code de l’organisation judiciaire, qui concerne notamment les opérations accomplies dans le cadre du Code de procédure pénale, ouvre en effet au requérant une action lui permettant de rechercher la responsabilité de l’État pour faute lourde commise à l’occasion du fonctionnement du service public de la justice.

C’est sur ce fondement que les requérants, estimant que les contrôles d’identité qu’ils avaient subis reposaient sur des considérations discriminatoires, ont engagé la responsabilité de l’État. Sur les treize affaires soumises à la Cour d’appel de Paris, cinq emporteront condamnation de l’État pour faute lourde dans le fonctionnement du service public de la justice. Les pourvois, formés tant par l’agent judiciaire de l’État que par des personnes contrôlées, contre les treize arrêts rendus par la Cour d’appel de Paris le 24 juin 2015, vont permettre à la Cour de cassation de clarifier sa position sur les contrôles d’identité au faciès.

Reprenant une définition précédemment énoncée (Cass., ass. plén., 23 févr. 2001, n° 99-16.165, Bull. ass. plén., n°5), la Cour de cassation affirme d’abord « que la faute lourde [résulte] d’une déficience caractérisée par un fait ou une série de faits traduisant l’inaptitude du service public de la justice à remplir la mission dont il est investi ». La Cour en déduit logiquement qu’un contrôle d’identité dont il est établi qu’il présente un caractère discriminatoire constitue bien une faute lourde. Restait à définir le caractère discriminatoire du contrôle pour lequel le juge précise que « tel est le cas, notamment, d’un contrôle d’identité réalisé selon des critères tirés de caractéristiques physiques associées à une origine, réelle ou supposée, sans aucune justification objective préalable » au regard de l’article 78-3 du code de procédure pénale.

Mais c’est avant tout par l’aménagement de la charge de la preuve que la Cour de Cassation innove. Transposant la méthode appliquée en matière de discrimination au travail, la Cour juge qu’« il appartient à celui qui s’en prétend victime d’apporter des éléments de fait de nature à traduire une différence de traitement laissant présumer l’existence d’une discrimination ». Cette présomption ne peut être établie par la seule production d’« études et informations statistiques » attestant de la fréquences des contrôles d’identité sur les minorités visibles mais peut en revanche être acquise lorsque ce constat est corroboré par un témoignage en ce sens. L’administration, quant à elle, doit « démontrer, soit l’absence de différence de traitement, soit que celle-ci est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination ».

En conséquence, dans trois de ses affaires la Cour confirme la condamnation de l’État en constatant que les opérations de contrôle ont visé durant une heure trente, de façon systématique et exclusive, un type de population en raison de sa couleur de peau ou de son origine.

Références

Dossier mis en ligne par la Cour de cassation

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