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Précisions concernant les conditions de l’intervention étatique sur la fixation du prix de fourniture du gaz naturel

03 octobre 2016

En France, les consommateurs ont la possibilité de choisir entre des tarifs librement définis par les fournisseurs de gaz naturels, et des tarifs réglementés de vente, selon un barème de tarifs modulés en fonction des seuils de consommation, proposés uniquement par la société GDF-Suez, les entreprises locales de distribution ainsi que la société Total Energie Gaz.

À l’occasion de la parution du décret n° 2013-400 du 16 mai 2013 relatif aux tarifs réglementés de vente de gaz naturel, l’ANODE, (Association Nationale des Operateurs Détaillants en Energie), a excipé de l’inconventionnalité du système français de tarifs réglementés de vente du gaz en distribution publique par rapport aux objectifs fixés par la directive sur le marché intérieur du gaz naturel.

Par une décision en date du 15 décembre 2014 (CE 15 déc. 2014, n° 370321, ANODE), le Conseil d’Etat avait décidé de surseoir à statuer dans l’attente de la réponse de la CJUE sur la question de  savoir si les tarifs réglementés de vente du gaz naturel constituaient, par leur nature même, une entrave à la réalisation d’un marché du gaz naturel concurrentiel mentionnée à l’article 3, paragraphe 1 de la directive 2009/73/CE; et, dans l’affirmative, si une telle mesure, était  néanmoins susceptible d’être justifiée, compte tenu notamment des objectifs de sécurité d’approvisionnement et de cohésion territoriale.

Dans un arrêt Federutility rendu en Grande chambre le 20 juillet 2010 (aff. C-2565/08, Federutility e.a. contre Autorita per l’energia elettrica e il gas), la CJUE avait déjà admis dans son principe la possibilité pour les Etats membres de réglementer les prix de fourniture du gaz au consommateur final après le 1er juillet 2007, tout en précisant les conditions de validité d’une telle intervention. La réglementation tarifaire doit en effet être justifiée par un intérêt économique général, proportionnée – ce qui signifie à la fois temporaire et nécessaire pour atteindre l’objectif poursuivi – et prévoir des obligations de service public clairement définies transparentes, non discriminatoires et contrôlables tout en garantissant un égal accès des entreprises de gaz de l’Union aux consommateurs.

C’est à l’aune de ces principes que la Cour examine dans sa décision du 7 septembre 2016 – et après avoir conclu que la règlementation française constitue, par sa nature même, une entrave à la réalisation d’un marché du gaz naturel concurrentiel – si cette entrave peut néanmoins être justifiée (CJUE, 7 septembre 2016, C-121/15)

En premier lieu sur l’intérêt général, la Cour, suivant en cela les arguments invoqués par l’Etat français, reconnaît que la sécurité de l’approvisionnement et à la cohésion territoriale constituent des motifs d’intérêt économique général permettant aux États membres d’imposer aux entreprises intervenant dans le secteur du gaz des obligations de service public portant sur le prix de fourniture du gaz naturel.

En deuxième lieu sur la proportionnalité de la réglementation en cause, la Cour indique qu’il reviendra au Conseil d’Etat d’apprécier si la méthode d’intervention sur les prix mise en œuvre ne va pas au-delà de ce qui est nécessaire pour atteindre les objectifs d’intérêt économique général poursuivis et s’il n’existe pas des mesures appropriées moins contraignantes  comme l’imposition de prix applicables seulement à certaines catégories de clients se trouvant dans des zones reculées et identifiées selon des critères géographiques objectifs. La Cour souligne également à l’occasion de l’examen du critère de proportionnalité, que l’absence de toute limitation de la règlementation en cause pourrait s’avérer contraire audit critère et renvoie au Conseil d’Etat le soin de s’en assurer.

En dernier lieu sur la nature des obligations de services publics, la Cour conclut d’une part que l’imposition des obligations de service public doit concerner de manière générale les « entreprises opérant dans le secteur du gaz » et non seulement certaines d’entre elles, et d’autre part, que « le système de désignation des entreprises chargées d’obligations de service public ne peut exclure a priori aucune des entreprises opérant dans le secteur de la distribution du gaz ».

Références

CJUE, 7 sept. 2016, aff. C-121/15, Association nationale des opérateurs détaillants en énergie (ANODE) c/ Premier ministre et a.

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