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Retour sur les règles de principe en matière de dommages de travaux publics

02 janvier 2017

Par une décision du 9 décembre 2016, le Conseil d’État, en chambres réunies, livre un véritable mémento des principes applicables en matière de dommages de travaux publics.

En l’espèce, la société Colas Ile-de-France Normandie a procédé à des travaux de réaménagement qui lui avaient été confiés par la SEM 92 dans le cadre de l’exécution de la convention d’aménagement qu’elle avait conclu avec la commune de Villeurbanne-la-Garenne. À l’occasion de ces travaux, la société Colas a endommagé un câble du réseau électrique pour la réparation duquel la société ERDF, gestionnaire du réseau, demande le remboursement des frais qu’il a dû exposer.

La leçon commence par un rappel des principes qui régissent la compétence juridictionnelle en matière de travaux publics. En effet, pour décliner la compétence de la juridiction administrative, le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise avait estimé que la SEM personne privée, cocontractante de la commune dans le cadre d’une convention d’aménagement ne pouvait être regardée comme le mandataire de cette commune. Par conséquent, les travaux réalisés pour le compte de la SEM par la société Colas n’avaient pas le caractère de travaux publics.

Ce raisonnement est sanctionné par le Conseil d’État qui statue ensuite au fond.

En effet, le Conseil d’État reproche aux juges du fond d’avoir fait application de la théorie du mandat administratif, critère de qualification d’un contrat, à un cas de responsabilité extracontractuelle auquel devait seulement s’appliquer les règles qui régissent le régime des travaux publics. Par application des critères posés par la jurisprudence presque séculaire du Conseil d’État Commune de Montségur du 10 juin 1921, présentent le caractère de travaux publics les travaux effectués pour le compte d’une personne publique dans un but d’utilité générale et ce, y compris lorsqu’ils sont réalisés par des personnes privées.

En l’espèce, les travaux ont bien été réalisés pour le compte d’une collectivité publique, la commune de Villeneuve-la-Garenne, et dans un but d’intérêt général, la rénovation de la voierie. Partant, la nature privée du contrat conclu entre la SEM 92, concessionnaire d’aménagement et son prestataire privé – la société Colas – demeure sans incidence sur la nature publique des travaux qui détermine le régime des responsabilités encourues du fait des dommages causés aux tiers. La victime – ERDF – étant tiers par rapport aux travaux, ce sont bien les règles de responsabilité administrative qui avaient vocation à s’appliquer.

C’est ensuite sur un autre fondement d’incompétence tiré de l’application de la loi du 31 décembre 1957 que le Conseil d’État se prononce. Cette loi confie à la juridiction judiciaire compétence pour statuer sur les actions en responsabilité du fait des dommages causés par les véhicules à moteur. Toutefois, pour faire application de ces dispositions, faisait en l’espèce défaut l’une des trois conditions rappelées par le Tribunal des conflits selon laquelle, lorsque l’action est engagée contre une personne publique, la compétence du juge judiciaire « ne joue que pour autant que le dommage invoqué trouve sa cause déterminante dans l’action d’un véhicule » (TC 26 juin 2006, GAEC de Campoussin, req. n° 3510). Or, selon le Conseil d’État, « le dommage en cause ne trouve pas sa cause déterminante dans l’action d’un véhicule, mais dans la conception ou l’exécution de l’opération de travaux publics prise dans son ensemble ».

La décision du Conseil d’État termine par une piqure de rappel sur le régime de responsabilité applicable à l’auteur d’un dommage de travaux publics : « même en l’absence de faute, le maître de l’ouvrage et, le cas échéant, l’entrepreneur chargé des travaux sont responsables vis-à-vis des tiers des dommages causés à ceux-ci par l’exécution d’un travail public, à moins que ces dommages ne soient imputables à un cas de force majeure ou à une faute de la victime ». L’application de ce principe au cas d’espèce est encore l’occasion de nous rappeler que même lorsque la responsabilité de l’auteur du dommage peut être engagée sans faute, la faute de la victime demeure partiellement ou totalement exonératoire. Les juges ont en l’espèce estimé que la faute commise par ERDF qui n’avait fourni que des plans imprécis de la localisation du câble et qui ne l’avait pas entouré de dispositifs de protection exonérait totalement la société Colas de sa responsabilité.

Références

CE 9 décembre 2016, ERDF, req. n° 395228

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