La loi n° 2010-1488 du 7 décembre 2010 portant nouvelle organisation du marché de l’électricité, dite « loi NOME » a bouleversé le marché de l’électricité, car si celle-ci a prévu le maintien des tarifs réglementés de vente pour les petits consommateurs (tarifs bleus), elle a par ailleurs supprimé le bénéfice de ces tarifs pour les plus gros consommateurs, soumis aux tarifs verts et jaunes à compter du 31 décembre 2015.
Afin d’assurer la transition vers un nouveau système tarifaire au 31 décembre 2015, l’article L. 337-6 du Code de l’énergie prévoyait que « dans un délai s’achevant au plus tard le 31 décembre 2015, les tarifs réglementés de vente d’électricité sont progressivement établis en tenant compter de l’addition du prix de l’accès régulé à l’électricité nucléaire historique, du coût du complément à la fourniture d’électricité qui inclut la garantie de capacité, des coûts d’acheminement de l’électricité et des coûts de commercialisation ainsi que d’une rémunération normale (…) ».
C’est dans ce contexte que les ministres compétents ont adopté un arrêté en date du 26 juillet 2013 relatif aux tarifs réglementés de vente de l’électricité qui prévoyait une nouvelle grille tarifaire conduisant notamment à une hausse de 5% pour les tarifs bleus, pour lesquels il était également prévu qu’ils seraient augmentés en moyenne de 5% à compter du 1er aout 2014, ce niveau devant être ajusté en fonction de l’évolution effective des couts sur la période tarifaire concernée. Cette dernière disposition a cependant été supprimée par un arrêté du 28 juillet 2014, maintenant donc finalement les tarifs bleus au niveau prévus par l’arrêté du 26 juillet 2013, sans que ceux-ci ne soient augmentés.
C’est cet arrêté qui a fait l’objet d’un recours en excès de pouvoir auquel il a été fait droit par la Haute juridiction, qui a considéré que « l’arrêté attaqué abroge ces dispositions trois jours seulement ave le 1er août, à une date où les fournisseurs d’électricité avaient pu déjà anticiper pleinement les effets de leur mise en œuvre ; que, dans ces circonstances particulières et compte tenu de l’importante du niveau des tarifs réglementés bleus pour l’activité des fournisseurs d’électricité et le contenu des offres qu’ils proposent, l’arrêté attaqué a été pris en méconnaissance du principe de sécurité juridique, alors même qu’un communiqué de presse du 19 juin 2014 en a annoncé le principe ; que, par suite et sans qu’il soit besoin d’examiner les autres moyens de la requête, cet arrêté doit être annulé ».
C’est donc au regard du principe de sécurité juridique que le Conseil d’État annulé l’arrêté contesté, faisant ici pleinement application de la solution dégagée dans le célèbre arrêt KPMG, dans lequel il avait été jugé qu’« il incombe à l’autorité investie du pouvoir réglementaire d’édicter, pour des motifs de sécurité juridique, les mesures transitoires qu’implique, s’il y a lieu, une réglementation nouvelle ; qu’il en va ainsi en particulier lorsque les règles nouvelles sont susceptibles de porter une atteinte excessive à des situations contractuelles en cours qui ont été légalement nouées » (CE Ass., 24 mars 2006, KPMG, req. n° 88460).
Aussi, il a donc été enjoint aux ministres de prendre un nouvel arrêté pour la période comprise entre le 1er aout 2014 et le 31 octobre 2014 et de fixer des tarifs permettant, conformément aux dispositions du Code de l’énergie, la couverture des coûts moyens complets supportés par les fournisseurs historiques, prévoyant au minium une hausse tarifaire moyenne de 5%. Seulement, revers de la médaille, cette décision entrainera nécessairement une hausse rétroactive des factures d’électricité des consommateurs concernés puisque les tarifs bleus avaient été maintenus à un niveau constant depuis le 26 juillet 2013 par l’effet de l’arrêté du 28 juillet 2014 désormais annulé.
Références
CE 15 juin 2016, Association nationale des opérateurs détaillants en énergie, req. n° 383722