Action en responsabilité contractuelle du maître d’ouvrage à l’encontre des constructeurs après la réception de l’ouvrage et la levée des réserves
Par une décision du 8 janvier 2020, le Conseil d’Etat rappelle que la réception d’un ouvrage et la levée des réserves ne font pas obstacle à ce que le maître d’ouvrage puisse rechercher la responsabilité contractuelle des constructeurs à raison des travaux supplémentaires nécessaires à l’achèvement de l’ouvrage durant l’exécution du marché.
Pour la réalisation de sa médiathèque, la communauté d’agglomération du Grand Angoulême a conclu un marché de maîtrise d’œuvre avec un groupement conjoint et a confié le lot n°3 « gros œuvre – terrassement – chapes maçonnerie » à trois sociétés. À la suite d’infiltration ayant affecté le bâtiment, le maître d’ouvrage a sollicité du juge des référés une expertise. Suivant les préconisations de l’expert, des travaux ont été réalisés aux frais avancés du maître d’ouvrage avant que ce dernier ne prononce la réception de l’ouvrage et la levée des réserves.
Le maître d’ouvrage a alors saisi le juge des référés-provision pour obtenir la condamnation du groupement de maîtrise d’œuvre et des titulaires du lot gros-œuvre au versement d’une provision de 149 457,45 euros en réparation des désordres ayant affecté la médiathèque. Déboutée en première instance, la communauté d’agglomération se pourvoit en cassation contre l’ordonnance du juge des référés de la Cour administrative d’appel de Bordeaux en tant que celui-ci a seulement condamné la société mandataire du groupement de maîtrise d’œuvre à lui verser la somme de 2 768,24 euros à titre de provision pour les frais d’expertise. Pour la CAA de Bordeaux, le prononcé de la réception sans réserve, sur la proposition du maître d’œuvre, faisait désormais obstacle à ce que le maître d’ouvrage recherche la responsabilité contractuelle des entreprises.
Saisi du pourvoi, le Conseil d’Etat rappelle d’abord, dans la lignée de sa jurisprudence Centre hospitalier général de Boulogne-sur-Mer que la réception d’un ouvrage demeure sans effet sur les droits et obligations financiers nés de l’exécution du marché, à raison notamment des retards ou de travaux supplémentaires, dont la détermination intervient définitivement lors de l’établissement du solde du décompte définitif. Or, la circonstance que la réception soit prononcée sans réserve ne fait pas obstacle à ce que la responsabilité contractuelle des entreprises soit recherchée à raisons des travaux supplémentaires qui ont été rendus nécessaires durant l’exécution du marché et à l’achèvement de l’ouvrage. Pour autant, en l’espèce, constatant que le juge des référés de la Cour administrative d’appel de Bordeaux n’avait pas commis d’erreur de droit en déchargeant la maîtrise d’œuvre de toute responsabilité dans les désordres en litige, le Conseil d’Etat annule l’ordonnance uniquement en ce qu’elle a rejeté les conclusions du maître d’ouvrage dirigées à l’encontre de la société titulaire du lot n° 3.
CE 8 janvier 2020, Communauté d’agglomération du Grand Angoulême, req. n°434490