Rechercher
Fermer ce champ de recherche.

Appréciation de la condition d’urgence dans le cadre d’un référé tendant à la suspension d’un contrat administratif

02 octobre 2017

Par une décision en date du 18 septembre 2017, le Conseil d’État précise les modalités d’appréciation de l’urgence en matière de référé suspension au cas particulier d’un référé introduit par des membres d’un organe délibérant et tendant à la suspension de l’exécution d’un contrat administratif.

À titre liminaire, on rappellera qu’en vertu de la jurisprudence du Conseil d’État « Tarn et Garonne » un recours de pleine juridiction contestant la validité d’un contrat peut être assortie d’une demande tendant, sur le fondement de l’article L. 521-1 du code de justice administrative, à la suspension de son exécution. Et, toujours selon cette décision, ce recours est ouvert aux membres de l’assemblée délibérante (CE 4 avril 2014, Tarn et Garonne req. n°358994).

En l’espèce, la communauté de communes Centre Dombes a attribué, le 15 décembre 2016, un marché de conception-réalisation pour la restructuration de la piscine intercommunale de Villars-les-Dombes. Le 1er décembre, le préfet prenait un arrêté prévoyant la fusion de la communauté, à compter du 1er janvier 2017, avec deux autres groupements de collectivités, au sein de la communauté de communes de la Dombes. Dans ce cadre, certains conseillers communautaires de la communauté de communes de la Dombes, invoquant au titre de l’urgence le caractère imminent et difficilement réversible des travaux de réalisation de l’ouvrage, ont saisi le juge des référés du tribunal administratif de Lyon d’une demande de suspension de l’exécution de ce marché public.

Le juge du référé a rejeté ce recours pour défaut d’urgence en considérant que le moyen d’illégalité invoqué à l’encontre du contrat tiré des conditions dans lesquelles le marché avait été passé était sans lien avec le principe de la construction au titre de laquelle l’urgence était alléguée. Partant, le juge du référé a exigé un lien entre la condition d’urgence invoquée et le moyen d’illégalité allégué.

C’est ce raisonnement que le Conseil d’État censure en jugeant que pour apprécier si la condition d’urgence est remplie lorsque l’objet du référé suspension est un contrat administratif, le juge du référé « peut prendre en compte tous éléments, dont se prévalent ces requérants, de nature à caractériser une atteinte suffisamment grave et immédiate à leurs prérogatives ou aux conditions d’exercice de leur mandat, aux intérêts de la collectivité ou du groupement de collectivités publiques dont ils sont les élus ou, le cas échéant, à tout autre intérêt public ». Le Conseil d’État ajoute qu’un préjudice financier est susceptible de constituer une telle atteinte en jugeant que « lorsque le coût des travaux qui font l’objet d’un marché public risque d’affecter de façon substantielle les finances de la collectivité ou du groupement concerné et que l’engagement des travaux est imminent et difficilement réversible ».

À cet égard, on ne peut que constater la résonance avec la définition de l’urgence proposée par le Conseil d’État pour le référé-suspension de droit commun. En effet, dans sa décision Confédération Nationale des radios libres en date du 19 janvier 2001, le Conseil d’État jugeait que l’urgence est caractérisée au sens de l’article L. 521-2 du CJA « lorsque la décision administrative contestée préjudicie de manière suffisamment grave et immédiate à un intérêt public, à la situation du requérant ou aux intérêts qu’il entend défendre […] alors même que cette décision n’aurait un objet ou des répercussions que purement financiers et que, en cas d’annulation, ses effets pourraient être effacés par une réparation pécuniaire » (CE Sect. 19 janvier 2001, Confédération nationales des radios libres, req.n°228815).

Au cas d’espèce, le Conseil d’État rejette pourtant les deux moyens invoqués par les requérants pour justifier de l’urgence à suspendre. D’une part, le risque d’affecter les finances de la collectivité n’est pas établi par la seule circonstance qu’un contrat a été conclu pour un montant supérieur d’environ 17 % à l’estimation initiale. D’autre part, il n’y a pas d’atteinte grave immédiate aux intérêts défendus par les membres du conseil communautaire par le seul fait que le contrat a été conclu avant la fusion donc par une autre personne publique.

CE 18 septembre 2017, MM.Z., AC et a., req. n° 408894

Newsletter