Exemple de suspension de l’exécution d’un contrat de concession
Par un arrêt du 15 février 2021, le Conseil d’Etat, statuant en référé, fait droit à la demande de suspension de l’exécution d’un contrat de concession sur le fondement de l’article L. 521-1 du code de justice administrative.
La commune de Toulon a confié l’exploitation de la salle de spectacles du Zénith de Toulon à la société Arts et Loisirs Gestion (ALG), par contrat conclu le 20 août 2020, pour une durée de cinq ans. La société Omega +, candidate évincée à l’attribution de ce contrat, a sollicité du juge des référés du tribunal administratif de Toulon, sur le fondement de l’article L. 521-1 du code de justice administrative, la suspension de l’exécution du contrat de concession, en parallèle du recours en contestation de validité du contrat (Tarn-et-Garonne) introduit par ses soins. Par une ordonnance du 5 octobre 2020, le juge des référés a accédé à sa demande. La commune de Toulon et la société ALG (devenue partie en première instance par mémoire en intervention) se pourvoient en cassation.
S’il est de jurisprudence constante que les candidats évincés peuvent solliciter, à l’appui du recours au fond introduit en contestation de validité du contrat de concession (CE ass. 4 avril 2014, Département du Tarn-et-Garonne, req. n°358994), sa suspension, rares sont les cas dans lesquels il est fait droit à cette demande. L’arrêt du 15 février 2021 constitue une des rares illustrations.
Dans cet arrêt, le Conseil d’Etat commence par rappeler classiquement que, sur le fondement de l’article L. 521-1 du code de justice administrative, « Lorsque le tribunal administratif est saisi d’une demande contestant la validité d’un contrat, le juge des référés peut être saisi, sur ce fondement, d’une demande tendant à la suspension de son exécution, qu’il peut ordonner lorsque l’urgence le justifie et qu’il est fait état d’un moyen propre à faire naître un doute sérieux quant à la légalité de ce contrat et à conduire à la cessation de son exécution ou à son annulation, eu égard aux intérêts en présence ».
Ensuite, sur la base de ce principe, s’agissant de la condition d’urgence, le juge des référés considère que le simple fait que la société requérante n’avait qu’une chance de se voir attribuer le contrat litigieux ne faisait pas obstacle à ce que l’attribution du contrat à une autre société puisse être regardée comme portant une atteinte grave et immédiate à ses intérêts. En outre, le juge relève que l’urgence est caractérisée dès lors qu’il est démontré que l’attribution du contrat litigieux à la société ALG fragilisait considérablement l’avenir de la société Omega + qui assurait précédemment la gestion de la salle de spectacle du Zenith de la commune de Toulon et dont le chiffre d’affaires était intégralement assuré par l’exploitation des salles de spectacles. La perte de ce contrat en l’attribuant à une autre société portait donc une atteinte grave et immédiate à ses intérêts.
S’agissant de la condition tenant à l’existence d’un moyen créant un doute sérieux quant à la légalité du contrat, le Conseil d’Etat confirme l’appréciation des premiers juges en relevant que deux moyens sont de nature à créer un doute sérieux : le premier, tenant au fait pour la commune d’avoir accordé une part prépondérante, parmi les éléments d’appréciation des offres au regard du critère relatif aux « conditions économiques et financières », à l’estimation du montant du chiffre d’affaires pendant toute la durée de la délégation alors que cet élément d’appréciation reposait sur les seules déclarations des candidats, sans engagement contractuel de leur part et sans possibilité pour la commune d’en contrôler l’exactitude ; le second, tenant à l’imprécision des informations fournies par la commune sur le régime fiscal applicable à la subvention que la commune était susceptible d’accorder au futur délégataire qui conditionnait partiellement l’appréciation de la rentabilité de chaque offre et, partant, de nature à fausser l’évaluation des offres sur le critère relatif aux conditions économiques et financières et à créer une rupture d’égalité entre les candidats.
Dès lors, c’est à bon droit que les premiers juges ont fait droit à la demande de suspension formulée par la société Omega +. Les pourvois de la commune de Toulon et de la société Arts et Loisirs Gestion sont donc rejetés.