Jurisprudence Czabaj : application limitée pour le contentieux fiscal
Par un avis du 21 octobre 2020, qui sera publié au recueil, le Conseil d’Etat précise les spécificités de la procédure fiscale, écartant en partie l’application de la jurisprudence Czabaj.
Rappelons que le Conseil d’Etat a fixé, par sa jurisprudence « Czabaj » du 13 juillet 2016 (req. n°387763), un délai de recours juridictionnel à l’encontre des décisions ne mentionnant pas les voies et délais de recours (incluant notamment les décisions implicites : CE 18 mars 2019, M. AB, req. n°417270) ; fixé en règle générale à un an à compter de la date à laquelle le requérant a eu connaissance de la décision. Si ce délai peut fluctuer selon les circonstances (par exemple : trois ans pour un décret de libération des liens d’allégeance : CE 29 novembre 2019, M. A. req. n°411145), le Conseil d’Etat n’admet encore qu’en de très rares occasions l’inapplication de ce délai raisonnable d’un an applicable aux décisions explicites comme implicites.
Le Conseil d’Etat a cependant dû allier ce principe tiré de la nécessaire sécurité juridique des actes, et les dispositions spécifiquement applicables au contentieux fiscal dont l’article R. 199-1 du Livre des procédures fiscales précise que « L’action [du contribuable] doit être introduite devant le tribunal compétent dans le délai de deux mois à partir du jour de la réception de l’avis par lequel l’administration notifie au contribuable la décision prise sur la réclamation ». C’est en effet sur la base de ces dispositions que le Conseil d’Etat avait admis l’inopposabilité du délai de recours contentieux (de deux mois) à l’encontre d’une décision implicite de rejet d’une réclamation fondée sur l’article R. 198-10 du LPF (CE, 7 décembre 2016, n°384309).
Saisi pour avis par la Cour administrative d’appel de Versailles, le Conseil d’Etat répond à deux questions.
La première vise l’absence de mention des voies et délais de recours dans la décision explicite de rejet de la réclamation du contribuable. Appliquant les principes tirés de la jurisprudence Czabaj, le Conseil d’Etat estime que « l’absence d’une telle mention lui permettant de saisir le tribunal dans un délai ne pouvant, sauf circonstance exceptionnelle, excéder un an à compter de la date à laquelle il a eu connaissance de la décision ».
La seconde vise, quant à elle, l’absence de décision expresse de rejet. Refusant d’appliquer ces mêmes principes, comme il avait pu le faire pour des décisions administratives « classiques » (cf. CE 18 mars 2019 précité), la haute juridiction estime que « si, en cas de silence gardé par l’administration sur la réclamation, le contribuable peut soumettre le litige au tribunal administratif à l’issue d’un délai de six mois, aucun délai de recours contentieux ne peut courir à son encontre, tant qu’une décision expresse de rejet de sa réclamation ne lui a pas été régulièrement notifiée ».
Le contribuable reste donc encore, au moins en partie, protégé des risques d’irrecevabilité de ses demandes contentieuses en l’absence de décision expresse de l’administration.