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Conditions de recevabilité de l’appel en garantie formé par le maître d’ouvrage en dépit du caractère définitif acquis par le décompte général

10 février 2020

Dans un arrêt rendu le 27 janvier 2020, le Conseil d’Etat confirme que le caractère définitif acquis par le décompte général ne s’oppose pas, en soi, à ce que des conclusions d’appel en garantie postérieurement formulées par le maître d’ouvrage dans le cadre d’un litige puissent être considérées comme recevables, sous certaines conditions toutefois.

En l’espèce, pour la construction d’un établissement pour personnes âgées dépendantes, le centre hospitalier de Livourne a conclu un contrat de maîtrise d’œuvre avec un groupement momentané d’entreprises, auquel a été confiée une mission de base telle que prévue à l’article R. 2431-1 du code de la commande publique, impliquant notamment « l’assistance apportée au maître d’ouvrage pour la passation des marchés de travaux ». À l’issue de la procédure de dévolution du lot n° 2 « Terrassement et gros œuvre », le groupement d’entreprises composé des sociétés Alm Allain et BG2C, candidat évincé de ce lot, a alors saisi les juges d’une action indemnitaire tendant à obtenir réparation du préjudice subi du fait de son éviction illégale de la procédure d’attribution de ce lot, pour un montant de 281 144 euros HT.

Le Tribunal administratif a fait droit à cette demande en condamnant le Centre hospitalier à verser au groupement une indemnité de 160 000 euros, tout en accédant aux conclusions formulées par le maître d’ouvrage, tendant à ce que le groupement de maîtrise d’œuvre soit appelé à le garantir intégralement de cette condamnation. Ce dernier a interjeté appel du jugement et est parvenu à obtenir des juges du second degré qu’ils réduisent sa garantie à 40% des 160 000 € au versement desquels le maître d’ouvrage a été condamné. Non satisfait de cette décision, le groupement de maîtrise d’œuvre a saisi le Conseil d’Etat d’un pourvoi tendant à ce qu’il soit totalement déchargé des sommes auxquelles a été condamné le Centre hospitalier compte tenu notamment du caractère irrecevable de ses conclusions d’appel en garantie, cet appel n’ayant été formulées qu’après que le décompte n’ait acquis un caractère définitif et sans même que le maître d’ouvrage n’ait pris le soin de réserver cette garantie dans son principe.

Pour trancher ce point, le Conseil d’Etat a, dans un premier temps, rappelé que si « l’ensemble des opérations auxquelles donne lieu l’exécution d’un marché public est compris dans un compte dont aucun élément ne peut être isolé et dont seul le solde arrêté lors de l’établissement du décompte général et définitif détermine les droits et obligations définitifs des parties », la circonstance que le décompte général d’un marché public soit devenu définitif ne fait toutefois pas, « par elle-même, obstacle à la recevabilité de conclusions d’appel en garantie du maître d’ouvrage contre le titulaire du marché » (CE, 15 novembre 2012, Commune de Dijon, req. n° 349107, mentionné aux Tables), à moins qu’il ne soit établi « que le maître d’ouvrage a[vait] eu connaissance de l’existence du litige avant qu’il n’établisse le décompte général du marché et qu’il n’a[vait] pas assorti le décompte d’une réserve, même non chiffrée, concernant ce litige » (CE, 6 mai 2019, Société Icade Promotion, req. n° 420765, mentionné aux Tables).

Le principe ayant été rappelé, le Conseil d’État est alors dans un second temps venu préciser que « lorsqu’un maître d’ouvrage, attrait par un concurrent évincé devant le juge administratif, et ainsi nécessairement informé de l’existence d’un litige, après avoir appelé en garantie le maître d’œuvre, signe avec celui-ci, sans l’assortir de réserve, le décompte général du marché qui les lie, le caractère définitif de ce dernier a pour effet de lui interdire toute réclamation correspondant à ces sommes ». Autrement dit, une fois le décompte général du marché de maîtrise d’œuvre devenu définitif, le maître d’ouvrage ne peut plus appeler le maître d’œuvre en garantie dans le cadre d’un litige dont le premier avait antérieurement connaissance, tel qu’un recours formé à son encontre par un concurrent évincé.

Or, tel était précisément le cas en l’espèce puisque le décompte avait été établi postérieurement à l’appel en garantie et à une date à laquelle le Centre hospitalier de Livourne avait nécessairement connaissance du litige l’opposant aux entreprises évincés de la procédure de dévolution du lot n° 2. En considérant donc, après avoir relevé ces éléments, que les conclusions d’appel en garantie présentées par le maître d’ouvrage étaient recevables, la Cour administrative d’appel a donc entaché sa décision d’une erreur de droit, justifiant que sa décision soit annulée sur ce point.

CE, 27 janvier 2020, Centre hospitalier de Livourne, req. n° 425168, mentionné aux Tables

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