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Légalité de la radiation des cadres d’un Général qui critique l’action des pouvoirs publics lors d’une manifestation anti-migrants

02 octobre 2017

Par une décision en date du 22 septembre 2017, le Conseil d’État rejette la requête en annulation formée par un Général de corps d’armée de deuxième section contre le décret prononçant sa radiation des cadres.

Le requérant s’était vu infliger cette sanction pour manquement aux obligations de loyauté et de réserve. Lors d’une manifestation anti-migrants à Calais, pourtant interdite par arrêté préfectoral, le militaire a pris publiquement la parole devant la presse pour critiquer de manière virulente l’action des pouvoirs publics, notamment la décision d’interdire la manifestation et l’action des forces de l’ordre, en se prévalant de sa qualité d’officier général et des responsabilités qu’il a exercées dans l’armée.

Les manquements fondant la décision contestée ne font pas de doute. Les obligations de réserve et de loyauté sont particulièrement renforcées s’agissant des militaires. Sans imposer une obligation absolue de se taire, puisque l’article L. 4121-2 du code de la défense dispose que les « militaires jouissent de tous les droits ou croyances, notamment philosophiques, religieuses ou politiques » elles ne peuvent toutefois être exprimées qu’en dehors du service et avec la réserve exigée par l’état militaire. Or, le requérant, Général de corps d’armée de deuxième section des officiers généraux, qui n’était plus en activité, mais toujours à la disposition du Ministre de la défense, demeurait soumis à ces obligations.

Si les militaires ne sont pas des fonctionnaires comme les autres, le juge administratif apprécie néanmoins les manquements au devoir de réserve et à l’exigence de loyauté avec les mêmes critères que ceux dont il use à l’égard de ceux qui sont soumis au statut général de 1983. Ainsi, le Conseil d’État a t-il pris en compte la nature des fonctions occupées, la position hiérarchique de l’agent, la teneur des propos ainsi que la publicité qui en est faite (voir par exemple : CE 23 avril 2009, Guigue, req. n° 316862, AJDA 2009. 1373, concl. I. de Silva ; CE 24 septembre 2010, Girot de Langlade, req. n° 333708, AJDA 2010. 1801).

En l’espèce, la faute était bien constituée. Le Général occupait un rang élevé dans la hiérarchie militaire et connaissait le retentissement médiatique de cette manifestation, et par conséquent celui de sa prise de parole. La circonstance que celui-ci n’était pas en service, qu’il portait une tenue civile et que ses propos n’étaient pas injurieux n’est pas de nature à remettre en cause la qualification de faute. La sanction de la radiation, au demeurant la seule prévue par l’article L. 4137-2 du code de la défense s’agissant d’un officier général de la deuxième section qui n’exerce plus d’activité militaire, est donc proportionnée.

Enfin, c’est en toute logique que le Conseil d’État rejette le moyen tiré de l’atteinte au droit à la liberté d’expression garanti par l’article 10 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme. Les juges français et européens avaient déjà pu rappeler que l’article 10 de la convention n’interdit pas les ingérences proportionnées à ce droit à l’égard des fonctionnaires (CE 19 mai 2004, Matelly, req. n° 245107 ; CEDH 15 septembre 2009, Matelly c/ France, req. n° 30330/04, AJDA 2009. 2484).

CE 22 septembre 2017, M. K., req. n° 404921

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