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Les prestations supplémentaires expressément refusées par l’acheteur n’ont pas à être réglées

29 avril 2020

Si, par principe, les prestations supplémentaires exécutées sans ordre de service mais dont il est démontré qu’elles étaient nécessaires à la réalisation de la prestation dans les règles de l’art doivent être rémunérées par la personne publique, c’est à la condition toutefois que cette dernière ne se soit pas préalablement et expressément opposée à leur exécution. Telle est la solution dégagée par le Conseil d’Etat dans une décision rendue le 27 mars 2020, à mentionner aux Tables.

En l’espèce, la société Géomat, par un marché conclu avec le département de la Loire-Atlantique, s’est vu confier des prestations de géomètre-expert dans le cadre du remembrement d’une partie du territoire d’une commune rural. À l’issue de leur exécution, la société titulaire a présenté à l’acheteur son projet de décompte final, dans lequel figurait, en sus du solde restant dû, une somme de 374 081,14 € au titre de travaux supplémentaires dont l’exécution s’est avérée, selon elle, indispensable à la réalisation de la prestation dans les règles de l’art. Le Département s’était cependant expressément opposé, par un courrier adressé à la société avant que celle-ci n’ait commencé à exécuter ces travaux, à « rémunérer les prestations supplémentaires fournies sans commande expresse de sa part et sans avenant ». L’acheteur public a donc rejeté ce projet de décompte. En conséquence, la société Géomat a saisi le Tribunal administratif d’une demande tendant à ce que le Département soit condamné à verser ces sommes. Par un jugement du 2 janvier 2017, confirmé en appel, les demandes ont été rejetées.

Saisi à son tour du litige, le Conseil d’Etat juge que « le prestataire a le droit d’être indemnisé du coût des prestations supplémentaires indispensables à l’exécution du marché dans les règles de l’art, sauf dans le cas où la personne publique s’est préalablement opposée, de manière précise, à leur réalisation ». Partant, le Conseil d’État confirme sa jurisprudence ancienne selon laquelle « quel que soit le degré d’utilité » des prestations supplémentaires en cause, « l’entreprise qui a passé outre les ordres contraires qu’elle avait reçus, ne saurait prétendre à être indemnisée des travaux supplémentaires qui lui ont été ainsi occasionnés » (CE, 2 juillet 1982, Société routière Colas, req. n° 23653). En l’espèce, c’est donc sans erreur de droit que la Cour administrative d’appel a pu tenir compte du refus qui avait été opposé par le Département à la société, pour rejeter sa demande tendant au règlement de ces travaux supplémentaires.

L’on comprend aisément la logique d’une telle solution, selon laquelle il ne peut être passé outre le pouvoir de décision détenu par le maître d’ouvrage. Reste la question de savoir si, dans l’hypothèse où celui-ci n’aurait pas été averti par l’entreprise de la réalisation de tels travaux et n’aurait donc pas été mis en mesure d’exprimer son consentement – expressément ou non –, il pourrait a posteriori refuser leur paiement. La prudence pourrait alors recommander d’informer systématiquement l’acheteur public de l’exécution de prestations supplémentaires considérées comme indispensables par le titulaire.

CE 27 mars 2020, Société Géomat, req. n° 426955, mentionné aux Tables

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