L’octroi de subventions aux associations menant des actions politiques
Par une décision du 8 juillet 2020, le Conseil d’Etat précise les conditions suivant lesquelles une commune peut subventionner une association menant des actions politiques.
Pour mémoire, comme le rappelle le rapporteur public Laurent Cytermann dans ses conclusions sur la décision évoquée, trois conditions sont requises pour qu’une collectivité territoriale puisse subventionner une personne morale de droit privé. Premièrement, la subvention doit être justifiée par un motif d’intérêt général. Deuxièmement, elle doit répondre à un intérêt public local en rapport avec les besoins de la population. Troisièmement, la subvention doit respecter un principe de neutralité, qui exclut l’attribution de subventions pour des motifs politiques (voir, en ce sens, CE 23 octobre 1989, Cne de Pierrefitte-sur-Seine, Cne de Saint-Ouen et Cne de Romainville, req. n° 93331, 93847 et 93885 ; CE, 28 octobre 2002, Cne de Draguignan, req. n° 216706).
En l’espèce, la commune de Nantes a, par une délibération du 5 février 2016, approuvé les termes d’une convention pluriannuelle de subventionnement à l’association dénommée « Centre lesbien, gay, bi et transidentitaire de Nantes », devenue l’association « Nos orientations sexuelles et identités de genre » (NOSIG). Un contribuable local a contesté cette convention devant le tribunal administratif de Nantes qui, par un jugement du 7 février 2018, req. n° 162967, a prononcé l’annulation de la délibération du 5 février 2016 au motif que la subvention n’était pas « exempte de tout motif politique » en raison des prises de position militantes de l’association et de l’organisation d’une réunion d’information sur la gestion pour autrui. La Cour administrative d’appel de Nantes a annulé ce jugement en considérant que les prises de position de l’association ne faisaient pas obstacle au subventionnement de la commune dès lors que cette subvention ne visait pas à favoriser les actions politiques de l’association, mais à financer l’action locale de l’association en matière d’information et de lutte contre toutes les formes de phobie, d’exclusion, d’injures et de violences subies en raison de l’orientation sexuelle, ainsi que de lutte contre les maladies sexuellement transmissibles (CE, 5 octobre 2018, req. n° 18NT01408).
Validant le raisonnement de la Cour administrative d’appel de Nantes, le Conseil d’Etat précise que : « Aux termes de l’article L. 2541-12 du code général des collectivités territoriales : » Le conseil municipal délibère notamment sur les objets suivants : / (…) / 10° L’allocation de subventions à des fins d’intérêt général et de bienfaisance ; / (…) « . En l’absence de dispositions législatives spéciales l’autorisant expressément à accorder des concours financiers ou le lui interdisant, une commune ne peut accorder une subvention à une association qu’à la condition qu’elle soit justifiée par un intérêt public communal. Si une commune ne peut, en attribuant une subvention, prendre parti dans des conflits, notamment de nature politique, la seule circonstance qu’une association prenne des positions dans des débats publics ne fait pas obstacle à ce que la commune lui accorde légalement une subvention, dès lors que ses activités présentent un intérêt public local. Lorsqu’une association a un objet d’intérêt public local, mais mène aussi des actions, notamment à caractère politique, qui ne peuvent être regardées comme revêtant un tel caractère, la commune ne peut légalement lui accorder une subvention, en particulier lorsqu’il s’agit d’une subvention générale destinée à son fonctionnement, qu’en s’assurant, par des engagements appropriés qu’elle lui demande de prendre, que son aide sera destinée au financement des activités d’intérêt public local ».
Le Conseil d’Etat retient donc une position nuancée en admettant que les collectivités territoriales puissent subventionner des associations menant des actions politiques nationales, notamment par des prises de position dans le débat public, à la condition toutefois que les collectivités s’assurent que le financement octroyé vise uniquement à soutenir des actions concrètes en faveur de la population locale. En effet, comme le souligne le rapporteur public, l’adoption d’une position contraire aurait conduit à porter une atteinte trop importante à la liberté associative, car elle « exclurait de toute subvention publique un grand nombre d’associations, remettant ainsi en cause des actions d’intérêt général ».