Premières précisions sur la procédure concurrentielle avec négociation
C’est à l’occasion de l’ordonnance n° 2015-899 du 23 juillet 2015 relative aux marchés publics qu’a été introduit dans le droit national la procédure concurrentielle avec négociation, transposant ainsi les dispositions prévues aux articles 26 et 29 de la directive 2014/24/UE du 26 février 2014. Selon le considérant n° 42 de ce texte, cette nouvelle procédure devait répondre à une nécessité de souplesse au bénéfice des pouvoirs adjudicateurs, afin que ceux-ci puissent recourir à une procédure avec négociation « dans diverses situations où une procédure ouverte ou une procédure restreinte sans négociation ne sont pas susceptibles de donner des résultats satisfaisants », notamment « pour les services ou les fournitures nécessitant des efforts d’adaptation et de conception ». Mais en dépit du fait que cette procédure ait été intégrée au sein des procédures formalisées, son recours demeure cependant encadré, celle-ci ne pouvant être mise en œuvre que dans l’un des six cas énumérés à l’article 25-II du décret n° 2016-360 du 25 mars 2016 – repris à l’article R. 2124-3 du Code de la Commande publique.
Tel n’est pas le cas de l’adaptation de solutions immédiatement disponibles, ainsi que l’énonce le Conseil d’Etat dans une décision en date du 7 octobre 2020, à mentionner aux Tables.
Dans cette espèce, l’office public de l’habitat de la Métropole de Lyon avait engagé une procédure concurrentielle avec négociation en vue de l’attribution d’un accord-cadre sur la réalisation de diagnostics techniques réglementaires avant démolition, relocation, vente et travaux, composé de quatre lots. La société AED Amiante et environnement, évincée, a saisi le juge des référés sur le fondement de l’article L. 551-1 du code de justice administrative d’une demande tendant à l’annulation de la procédure, à laquelle il a été fait droit en première instance.
Saisi par Lyon Métropole Habitat, le Conseil d’Etat a cependant annulé cette ordonnance au motif que le juge des référés s’était « fondé sur la circonstance qu’il résultait du rapport de présentation des offres que la procédure concurrentielle avec négociation avait été mise en œuvre sur le fondement des dispositions du 2° du II de l’article 25 du décret du 25 mars 2016, au motif que le besoin consisterait en une solution innovante, alors que les prestations demandées n’étaient pas caractérisées par leur caractère innovant ».
Réglant l’affaire sur le fondement de l’article 821-1 du CJA, le Conseil d’État rappelle que « les pouvoirs adjudicateurs ne peuvent néanmoins recourir à cette procédure que dans les cas limitativement énumérés au II de l’article 25 du décret du 25 mars 2016, aujourd’hui codifié à l’article R. 2124-3 du code de la commande publique ». Le recours à cette procédure demeure donc soumis à des conditions légales – supposant notamment que le besoin ne puisse « être satisfait sans adapter des solutions immédiatement disponibles » – qui n’était en l’espèce pas satisfaites.
En effet, quand bien même, ainsi que le soutenait le requérant, les prestations requises « portaient sur un parc immobilier nombreux, disparate, comportant des logements tant individuels que collectifs, disséminé sur un grand nombre de communes, dont les dates de construction étaient variables, et alors qu’en outre le règlement de la consultation autorisait les variantes », il n’en reste pas moins celles-ci correspondaient à des « prestations connues et normalisées » puisque devant être réalisées conformément aux normes applicables précisées par le CCTP. En d’autres termes, « si la réalisation de tels diagnostics à une grande échelle et sur un vaste territoire supposait une adaptation des méthodes de l’entreprise, il ne résulte pas pour autant de l’instruction que ces prestations ne pouvaient être réalisées qu’au prix d’une adaptation par les candidats des solutions immédiatement disponibles ». En conséquence, en recourant à cette procédure, Lyon Métropole Habitat a commis un manquement à ses obligations de publicité et de mise en concurrence, susceptible d’avoir lésé la société évincée et justifiant que soit prononcée l’annulation de la procédure.
CE, 7 octobre 2020, Lyon Métropole Habitat, req. n° 440575, mentionné aux Tables