Résiliation tacite du contrat révélée par le comportement de la personne publique
Par un arrêt du 11 décembre 2020, le Conseil d’Etat précise que la résiliation tacite du contrat peut résulter du comportement non équivoque de la personne publique.
La commune de Plan-de-Cuques a confié la réalisation de la zone d’aménagement concerté (ZAC) dite de Sainte-Euphémie à la société Euphémie, aux droits de laquelle est venue la société Copra Méditerranée, par une convention conclue le 13 février 1995. La convention prévoyait la réalisation de 94 logements en quatre tranches successives. La première des quatre tranches, correspondant à la zone D du programme, a été achevée en 2000. Les trois autres tranches, correspondant aux zones A, B et C, n’ont pas été réalisées. Après l’achèvement de la première tranche du programme correspondant à la zone D, aucun aménagement n’a eu lieu au sein de la ZAC. La commune a informé la société de l’arrêt de l’aménagement pour le motif d’intérêt général représenté par le risque d’inondation.
Par requête introduite devant le Tribunal administratif de Marseille, la société Copra Méditerranée a sollicité la condamnation de la commune de Plan-de-Cuques à l’indemniser du préjudice qu’elle estime avoir subi du fait de l’arrêt des travaux. Le Tribunal a rejeté sa demande par jugement du 12 juillet 2017. La société a interjeté appel de ce jugement devant la cour administrative d’appel de Marseille qui, par un arrêt du 26 novembre 2018, l’a rejeté. La société requérante se pourvoit contre cet arrêt en tant qu’il a rejeté ses conclusions tendant à ce que soit engagée la responsabilité de la commune, en raison de la résiliation de la convention d’aménagement.
Le Conseil d’Etat rappelle d’abord que, par principe, la résiliation d’un contrat administratif résulte d’une décision expresse de la personne publique cocontractante. Il ajoute ensuite, apportant d’utiles précisions à la jurisprudence récente (CE 27 février 2019, Département de la Seine-Saint-Denis, req. n° 414114, mentionné aux tables du recueil Lebon), qu’en l’absence d’une telle décision, la résiliation doit être considérée comme tacitement prononcée lorsqu’il ressort du comportement de la personne publique qu’elle a mis fin de façon non équivoque aux relations contractuelles. La précision du caractère « non équivoque » du comportement de la personne publique rappelle « la prudence qu’il convient d’adopter lorsqu’il s’agit d’identifier une décision qui, trop facilement caractérisée, ferait planer sur tous les contrats une menace de nature à altérer la confiance des parties dans la stabilité de leurs obligations » (Ccl. Rapporteure publique, Sophie Roussel, sur l’arrêt commenté). Enfin, il précise que l’appréciation des juges du fond du comportement de la personne publique est souveraine, sous réserve du contrôle d’erreur de droit et de dénaturation des pièces du dossier par le juge de cassation. Le juge regarde alors la durée de cessation de l’exécution du contrat en fonction de sa nature et de sa durée initiale, les démarches engagées par la personne publique pour satisfaire les besoins concernés par d’autres moyens ou encore l’adoption d’une décision de la personne publique qui a pour effet de rendre impossible la poursuite de l’exécution du contrat ou de faire obstacle à l’exécution, par le cocontractant, de ses obligations contractuelles.
Or, en l’espèce, au regard de la décision de la commune d’arrêter l’aménagement pour le motif d’intérêt général représenté par le risque d’inondation, sans précision sur une éventuelle reprise de travaux ou des mesures envisagées pour remédier au risque en cause, et de la durée de cet arrêt des travaux, le Conseil d’Etat a considéré que ces éléments étaient de nature à révéler la résiliation tacite du contrat. L’arrêt de la Cour administrative d’appel de Marseille est donc annulé.
Toutefois, la juridiction ne fait pas droit à la demande d’indemnisation de la société pour résiliation en raison d’un motif d’intérêt général. Si, en principe, le titulaire du contrat a droit à une entière indemnisation des dépenses engagées et du manque à gagner (sous réserve des stipulations du contrat ; CE 2 mai 1958, Distillerie de Magnac Laval, Rec. Lebon p. 246, CE 2 février 1983 Union des transports publics urbains et régionaux, req. n° 34027, Rec. Lebon p. 33 ; jurisprudences codifiées par l’article L. 6-5° du code de la commande publique), le Conseil d’Etat considère qu’en l’espèce, dans la mesure où les parties devaient s’entendre sur la poursuite du programme d’aménagement et la réalisation des tranches, le manque à gagner demeurait purement éventuel. En outre, les éléments produits par la société ne permettaient pas d’établir que des dépenses auraient été engagées pour la réalisation de ces tranches. Dès lors, il y a lieu de rejeter la demande d’indemnisation de la société Copra Méditerranée, les préjudices invoqués présentant un caractère purement éventuel.
CE 11 décembre 2020 Société Copra Méditerranée, req. n° 427616