Seule la remise en cause par le juge judiciaire d’une promesse de vente peut autoriser le service instructeur à écarter la demande de permis au motif de l’absence de droit du pétitionnaire à la déposer
Par une décision en date du 12 février 2020, le Conseil d’Etat a jugé que si le service instructeur pouvait écarter l’attestation par laquelle le pétitionnaire déclarait remplir les conditions pour déposer une demande de permis de construire sur le fondement de la caducité de la promesse de vente dont il était titulaire, c’était à condition que cette dernière ait été remise en cause par le juge judiciaire. Ainsi, la déclaration par le propriétaire initial de la caducité de la promesse de vente ne constitue pas une information faisant apparaître « sans que cela puisse donner lieu à une contestation sérieuse » que le pétitionnaire n’aurait pas droit à déposer la demande de permis.
En l’espèce, la commune de Norges-la-Ville avait conclu avec la société pétitionnaire une promesse de vente d’un terrain appartenant à la commune. La société a été rendue bénéficiaire, le 18 février 2015, d’un permis d’aménager tacite, qui a toutefois été retiré par le maire le 17 avril 2015 au motif que le conseil municipal avait, postérieurement à sa demande, déclaré caduque la promesse de vente par une délibération du 6 novembre 2014. C’est cette décision de retrait qui a fait l’objet d’un recours par la société pétitionnaire, d’abord rejeté par le Tribunal administratif de Dijon, puis accueilli par la Cour administrative d’appel de Lyon qui a donc annulé le jugement.
Saisi par la Commune, le Conseil d’Etat rappelle que les demandes de permis d’aménager doivent seulement comporter l’attestation du pétitionnaire aux termes de laquelle il remplit les conditions définies à l’article R. 423-1 du code de l’urbanisme pour déposer une demande de permis (être notamment propriétaire, mandataire de celui-ci ou autorisé par ces personnes à exécuter les travaux), sans toutefois qu’il n’ait à démontrer qu’il remplit bel et bien lesdites conditions : « Les autorisations d’utilisation du sol, qui ont pour seul objet de s’assurer de la conformité des travaux qu’elles autorisent avec la législation et la réglementation d’urbanisme, étant accordées sous réserve du droit des tiers, il n’appartient pas à l’autorité compétente de vérifier, dans le cadre de l’instruction d’une demande de permis, la validité de l’attestation établie par le demandeur. Toutefois, lorsque l’autorité saisie de la demande vient à disposer au moment où elle statue, sans avoir à procéder à une instruction lui permettant de les recueillir, d’informations de nature à établir le caractère frauduleux de cette attestation ou faisant apparaître, sans que cela puisse donner lieu à une contestation sérieuse, que le pétitionnaire ne dispose, contrairement à ce qu’implique l’article R. 423-1 du code de l’urbanisme, d’aucun droit à la déposer, il lui revient de refuser pour ce motif le permis sollicité » (voir déjà en ce sens, CE 23 mars 2015, req. n° 348261, Rec. p.177).
Le Conseil d’Etat précise alors que si le service instructeur peut ainsi refuser de délivrer le permis au motif que le pétitionnaire ne dispose d’aucun droit à déposer la demande sur le fondement de la caducité de la promesse de vente dont est titulaire le pétitionnaire, c’est à la condition que cette dernière ait été, à la date à laquelle l’autorité administrative se prononce, remise en cause par le juge judiciaire : « Il en est notamment ainsi lorsque l’autorité saisie de la demande de permis est informée de ce que le juge judiciaire a remis en cause le droit de propriété sur le fondement duquel le pétitionnaire a présenté sa demande. Mais, lorsque le pétitionnaire est, pour le terrain faisant l’objet de la demande de permis, titulaire d’une promesse de vente qui n’a pas été remise en cause par le juge judiciaire à la date à laquelle l’autorité administrative se prononce, l’attestation par laquelle il déclare remplir les conditions pour déposer la demande de permis ne peut, en l’absence de manœuvre frauduleuse, être écartée par l’autorité administrative pour refuser de délivrer le permis sollicité ».
C’est donc à une interprétation stricte de l’existence d’une information qui ne « puisse donner lieu à une contestation sérieuse » que se livre le Conseil d’État qui rejette le pourvoi de la Commune en considérant que, faute de remise en cause par le juge judiciaire de la promesse de vente et en l’absence d’allégation de manœuvres frauduleuses, l’attestation fournie par le pétitionnaire selon laquelle il remplissait les conditions pour pouvoir déposer une demande de permis « ne pouvait (…) être écartée par l’autorité administrative pour considérer que le permis d’aménager tacite obtenu par cette société était illégal et pour procéder, pour ce motif, au retrait de ce permis ».
CE 12 février 2020, Cne de Norges-la-Ville, req. n°424608, aux Tables