Une mesure destinée à lutter contre la catastrophe sanitaire relève de la police spéciale, donc de la compétence de l’État
Par une ordonnance du 16 février 2021, le Conseil d’Etat juge que « La police spéciale instituée par le législateur fait obstacle, pendant la période où elle trouve à s’appliquer, à ce que le maire prenne au titre de son pouvoir de police générale des mesures destinées à lutter contre la catastrophe sanitaire, à moins que des raisons impérieuses liées à des circonstances locales en rendent l’édiction indispensable et à condition de ne pas compromettre, ce faisant, la cohérence et l’efficacité de celles prises dans ce but par les autorités compétentes de l’Etat ».
Un maire conserve donc un pouvoir (théorique) de police générale, mais dès lors qu’il s’agit de l’exercer pour lutter contre la catastrophe sanitaire, il bascule dans l’exercice d’un pouvoir de police spéciale lequel, par principe, relève de la compétence des autorités de l’Erat. Le Maire ne peut dès lors intervenir que s’il peut être démontré l’existence de raisons impérieuses liées à des circonstances locales propres à sa commune et que son intervention ne va pas à l’encontre des mesures prises au niveau gouvernemental.
Appliquant ces principes, le Conseil d’Etat considère, à propos d’un arrêté interdisant les locations saisonnières à des fins touristiques, qu’ « il ne résulte pas de l’instruction qu’il existerait un risque d’afflux significatif de touristes à Nice dans la période couverte par l’arrêté en litige, compte tenu notamment de la saison hivernale et du report des festivités liées aux carnavals. Il n’en résulte pas non plus que l’interdiction des locations touristiques serait susceptible d’avoir un impact notable sur la propagation du virus. En outre, en se bornant, pour l’essentiel, à faire valoir qu’une grande partie des hôtels est fermée et que la contenance des chambres de ceux-ci est moins importante que celle des logements touristiques, la commune ne justifie pas la différence de traitement entre les locations et les hôtels, dont l’ouverture demeure autorisée. Enfin, la commune ne justifie pas davantage que les spécificités de la situation sanitaire sur son territoire nécessiteraient l’interdiction des locations touristiques, alors, au demeurant, qu’une telle mesure n’a été jugée appropriée ni par le préfet des Alpes-Maritimes, ni par les maires des communes voisines ».
Ce faisant, en l’absence de circonstances exceptionnelles liées à la crise sanitaire sur le territoire de la ville de Nice, le Conseil d’Etat juge que « la commune ne démontre pas l’existence de raisons impérieuses liées à des circonstances locales propres à la ville de Nice rendant indispensable l’édiction de l’arrêté du 25 janvier 2021. Il suit de là que cet arrêté porte une atteinte grave et manifestement illégale au droit de propriété et à la liberté du commerce et de l’industrie », justifiant donc le prononcé de la suspension de l’arrêté.
Si cette décision s’insère dans la logique de l’ordonnance Commune de Sceaux (17 avril 2020, req. n° 440057), elle a pour effet, en étendant le champ de la police spéciale, à réduire à peau de chagrin les compétences des autorités locales en matière de lutte contre l’épidémie de Covid-19. Surtout qu’elle retient une conception assez restrictive de la notion de raisons impérieuses ; raisons qui, pourtant, quelques jours plus tard, ont conduit l’État, par l’intermédiaire du Préfet, à ordonner un confinement local de certaines villes du Département, dont la commune de Nice.