Par un arrêt du 25 novembre 2015, le Conseil d’État met fin à sa jurisprudence Estevez et autorise le maire à modifier, en cours d’instruction, l’avis qu’il a émis sur un permis de construire.
Dans cette affaire, le préfet de Savoie a accordé au pétitionnaire un permis de construire une maison individuelle sur un terrain situé dans la commune de VILLARD-LEGER, laquelle est dépourvue de plan local d’urbanisme (PLU) ou de document en tenant lieu.
En effet, alors que les permis de construire sont en principe, dans cette situation, délivrés par le maire au nom de l’État (article L.422-1 du Code de l’urbanisme), le préfet est toutefois compétent, dans certains cas limitativement énumérés, pour délivrer ce type d’autorisation. Tel est notamment le cas lorsqu’il existe un désaccord entre le maire et le responsable du service de l’État dans le département chargé de l’instruction (article R.422-2, e)).
En pratique, le maire « adresse au chef du service de l’État dans le département chargé de l’instruction son avis sur chaque demande de permis » et son « avis est réputé favorable s’il n’est pas intervenu dans le délai d’un mois à compter du dépôt à la mairie de la demande de permis » (article R.423-72). Après instruction et comparaison entre l’avis du maire et la position du service instructeur, le dossier est adressé au maire (en cas d’accord) ou au préfet (en cas de désaccord). Et, après expiration du délai d’un mois, le maire ne peut plus revenir sur l’avis favorable tacitement émis (CE, 20 octobre 1993, Estevez, req. n°89215).
Or, en l’espèce, le service instructeur a émis un avis favorable à la demande de permis de construire et, le maire ne s’étant pas prononcé dans le délai d’un mois, son avis était réputé favorable. Cependant, après expiration de ce délai, il a expressément émis un avis défavorable au projet, aboutissant donc à un désaccord avec le service instructeur.
Faisant logiquement application de la jurisprudence Estevez précitée, le Tribunal administratif de Grenoble et la Cour administrative d’appel de Lyon ont jugé que, le maire ne pouvant pas revenir sur l’avis tacitement émis, il n’existait pas de désaccord avec le service instructeur de la Préfecture. Partant, le préfet n’était pas compétent pour délivrer cette autorisation et seul le maire pouvait y procéder, au nom de l’État. Les juridictions prononçaient donc l’annulation du permis de construire.
Néanmoins, saisi par le pétitionnaire, le Conseil d’État censure l’arrêt de la Cour en jugeant qu’aucune disposition du Code de l’urbanisme n’interdit au maire de modifier son avis, tacite ou exprès, après sa transmission au service instructeur. Ce faisant, le Conseil d’État met fin à la jurisprudence Estevez et généralise la solution dégagée dans une décision antérieure et qui admettait que le maire, après avoir émis un avis favorable sans réserve, puisse se rallier aux réserves exprimées par les services de l’État et modifie de facto son avis (CE, 10 mars 1978, Commune de Roquefort-les-Pins, req. n°03895).
Le Conseil d’État fait donc prévaloir une solution plus souple qui permet dorénavant au maire de modifier son avis – soit tacitement émis à la suite du silence gardé pendant le délai d’un mois, soit expressément transmis au service instructeur de l’État – jusqu’à ce que ce dernier ait pris position sur la demande de permis de construire. En effet, au-delà de la transmission, par le service instructeur, du projet de décision, le maire ne pourra définitivement plus modifier son avis.
Référence :
CE, 25 novembre 2015, M. Jacquier, req. n° 372045, sera mentionné aux Tables.